La République Démocratique du Congo, détentrice de près de 70% des réserves mondiales de cobalt, vient de déclencher une onde de choc sur les marchés internationaux avec l’instauration d’un système de quotas d’exportation jusqu’en 2027. Cette décision historique, prise unilatéralement par l’ARECOMS, l’Autorité de régulation et de contrôle des marchés des substances minérales stratégiques, pourrait radicalement transformer la géopolitique des matières premières critiques.
Le régulateur congolais a fixé un volume maximal de 18125 tonnes de cobalt autorisées à l’exportation pour la période du 16 octobre au 31 décembre 2025, avec une répartition mensuelle précise : 3625 tonnes en octobre, 7250 tonnes en novembre et 7250 tonnes en décembre. Pour 2026, le plafond s’élèvera à 96600 tonnes, composé d’un quota de base de 87000 tonnes et d’un quota stratégique de 9600 tonnes réservé aux projets d’importance nationale.
Cette mesure intervient dans un contexte où la demande mondiale de cobalt, composant essentiel des batteries de véhicules électriques et des technologies vertes, connaît une croissance exponentielle. La RDC, qui produit actuellement plus de 70% du cobalt mondial, entend ainsi maximiser les retombées économiques de cette ressource stratégique tout en sécurisant ses approvisionnements pour le développement de sa propre industrie de transformation.
L’ARECOMS a établi des critères d’éligibilité stricts pour l’obtention de ces quotas. Sont exclus du système les entreprises ayant exporté moins de 100 tonnes de cobalt en 2024, celles possédant une raffinerie mais n’ayant pas exploité de mine cobaltifère au cours des cinq dernières années, ainsi que les sociétés dont les gisements sont considérés comme épuisés. Seules l’Entreprise Générale du Cobalt (EGC) et la Société du Terril de Lubumbashi (STL), deux entités étatiques, bénéficient de conditions particulières.
Le régulateur se réserve par ailleurs le droit d’ajuster trimestriellement les volumes en cas de déséquilibre significatif du marché du cobalt mondial. Plus significatif encore, tout volume non utilisé du quota de base sera automatiquement réaffecté au quota stratégique de l’ARECOMS, renforçant ainsi le contrôle de l’État sur cette ressource vitale.
Cette décision soulève plusieurs interrogations majeures. Comment les principaux importateurs – Chine, États-Unis, Finlande, Italie et Maroc – vont-ils réagir à cette restriction soudaine de l’offre? La mesure respecte-t-elle l’esprit du code minier congolais? Et surtout, cette politique de quotas ne risque-t-elle pas de créer des tensions avec le gouvernement, notamment avec le ministère des Mines dirigé par Watum Kabamba?
Les analystes économiques s’attendent à une volatilité accrue des prix sur le marché cobalt mondial. Certains redoutent que cette décision n’affecte les objectifs budgétaires du gouvernement congolais, qui table sur 20,6 milliards de dollars américains pour 2026. D’autres y voient une opportunité pour la RDC de valoriser davantage ses ressources et de développer une véritable industrie locale de transformation.
La question fondamentale demeure: la RDC utilise-t-elle son cobalt comme une arme diplomatique, à l’instar de ce que fit Kadhafi avec le pétrole en 1973? La réponse se dessinera dans les prochains mois, au gré des réactions internationales et de l’évolution des équilibres géostratégiques. Une chose est certaine: l’ARECOMS, jusqu’alors méconnue, vient de s’imposer comme un acteur incontournable dans la gouvernance des matières premières critiques.
Article Ecrit par Amissi G
Source: mediacongo.net