Après quinze jours de bras de fer avec les autorités, les salles de classe de l’Équateur vont enfin retrouver leur animation. La décision, prise à l’unanimité ce samedi à Mbandaka, soulève un mélange d’espoir et de scepticisme parmi les enseignants. Comment croire que cette suspension aboutira à des changements concrets, alors que des promesses similaires ont déjà été brisées par le passé ?
Français Mukadi Kashama, porte-voix de l’intersyndicale, justifie cette trêve par la nécessité de « privilégier la mission de contrôle et d’identification annoncée par le gouvernement ». Derrière ces termes techniques se cache une réalité brutale : des milliers d’enseignants survivent avec des salaires de misère, quand ils sont payés. Les enseignants des nouvelles unités (NU) et ceux mécanisés mais non payés (NP) représentent l’épine dorsale d’un système éducatif au bord de l’asphyxie.
À Mbandaka, la reprise des cours lundi prochain suscite des réactions mitigées. « Nous reprenons le travail, mais sans garantie que nos revendications seront entendues », confie un professeur de mathématiques sous couvert d’anonymat. Son témoignage reflète une lassitude générale : après des années de luttes syndicales, la précarité reste le quotidien de ceux qui forment les futures générations congolaises.
Le bilan de cette grève, lancée le 1er septembre, révèle une mobilisation hétérogène mais significative. Si certaines écoles conventionnées catholiques avaient timidement rouvert, la majorité des établissements publics sont restés fermés, paralysant l’éducation de milliers d’élèves. Cette fracture souligne les inégalités structurelles d’un système où le public et le privé coexistent dans des réalités économiques radicalement différentes.
La suspension de la grève marque-t-elle une victoire ou une capitulation ? Pour les syndicats, il s’agit d’une trêve tactique, le temps de vérifier la sincérité des engagements gouvernementaux. Mais sur le terrain, l’amertume persiste. Les enseignants de l’Équateur, comme ceux de bien d’autres provinces, sont prisonniers d’un cercle vicieux : grèves pour survivre, reprise sous pression, et attente interminable de solutions durables.
Au-delà des revendications salariales, c’est tout le modèle éducatif congolais qui est en jeu. Comment bâtir un avenir pour la jeunesse si ceux qui l’instruisent sont condamnés à la précarité ? La reprise des cours dans la province de l’Équateur n’est qu’un épisode de plus dans une lutte qui dépasse les frontières régionales. Elle pose une question fondamentale : l’éducation restera-t-elle une priorité ou un variable d’ajustement dans les politiques publiques ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd