En République Démocratique du Congo, posséder une terre représente bien plus qu’un simple acte économique. C’est une question de dignité, de sécurité et d’autonomie. Pourtant, des milliers de femmes congolaises se heurtent quotidiennement à des barrières invisibles qui les privent de ce droit fondamental. Comment expliquer ce décalage entre les textes de loi et la réalité du terrain ?
Maître Roger Mumbiyi, avocat spécialisé en droit foncier, nous éclaire sur ce paradoxe congolais. « La Constitution garantit le droit à la propriété privée à tous, sans distinction de sexe. La loi n°73-021 ne contient aucune disposition discriminatoire. En théorie, une femme congolaise a les mêmes droits qu’un homme ».
Mais la théorie se heurte souvent aux réalités sociales et coutumières. Dans de nombreuses provinces, la tradition impose que les terres familiales soient attribuées uniquement aux héritiers masculins. Les femmes se voient alors reléguées au simple statut d’usagères, pouvant cultiver mais jamais vendre ou hypothéquer. Ces obstacles juridiques femmes RDC persistent malgré l’évolution des textes.
Le certificat d’enregistrement délivré à une femme célibataire reste perçu comme une exception dans certaines chefferies coutumières. Les mariées doivent parfois présenter une autorisation de leur conjoint pour valider une transaction, une exigence qui n’existe pourtant pas dans la loi. Ces pratiques illustrent les profondes inégalités genre propriété qui minent notre société.
L’administration elle-même devient complice de cette exclusion. Services fonciers saturés, frais de dossier exorbitants, risques de double attribution de titres : autant de barrières qui découragent les femmes les plus déterminées. Certaines veuves voient leurs terres confisquées par la belle-famille avec la complicité de fonctionnaires locaux, en violation flagrante de leurs droits légaux.
L’héritage femmes RDC constitue un véritable champ de bataille. Le Code de la famille révisé en 2016 prévoit une égalité parfaite entre fille et fils dans la succession. Mais sur le terrain, les filles héritent peu ou pas de terres. « Lorsqu’une femme revendique son droit successoral, elle est parfois accusée d’aller contre la coutume, voire de menacer l’unité familiale » déplore Maître Mumbiyi.
Quels recours s’offrent alors aux femmes congolaises ? Saisir les tribunaux, demander l’appui des ONG et associations de femmes juristes, mobiliser les inspections foncières. Autant de mécanismes théoriquement disponibles mais qui nécessitent temps, moyens financiers et connaissance des lois – trois conditions rarement réunies pour les femmes rurales.
L’accès terre femmes Congo ne se résumera pas à une simple modification législative. Il exigera un véritable changement culturel et institutionnel : vulgarisation massive des lois, formation des chefs coutumiers et des fonctionnaires, accompagnement spécifique des femmes dans les procédures foncières. Sans cet engagement collectif, les droits fonciers femmes RDC resteront lettre morte.
La question dépasse le simple cadre juridique. Posséder une terre, c’est accéder à l’autonomie économique, à la sécurité alimentaire, à la reconnaissance sociale. C’est pouvoir investir, développer, transmettre. En privant les femmes de ce droit fondamental, c’est toute la société congolaise qui se prive de son potentiel de développement.
Le combat pour l’égalité foncière représente ainsi un enjeu majeur pour l’avenir de la RDC. Il ne s’agit pas seulement de respecter les textes de loi, mais de construire une société plus juste et plus équitable où chaque citoyen, homme ou femme, pourra contribuer pleinement au développement national.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd