Le gouvernement Suminwa vient de réinventer la quadrature du cercle numérique. À peine quinze mois après la fusion saluée des ministères des PTNTIC et du Numérique, une scission inattendue recrée deux entités distinctes : le ministère des Postes et Télécommunications confié à José Moanda, et celui de l’Économie Numérique dirigé par Augustin Kibassa Maliba. Cette restructuration ministérielle en RDC, troisième configuration en moins de deux ans, interroge sur la pérennité des stratégies engagées dans un secteur pourtant vital pour la modernisation du pays.
Rappelons qu’en mai 2024, la fusion avait été présentée comme un modèle de rationalisation. Sous l’égide d’Augustin Kibassa au ministère des PTN, des projets structurants avaient vu le jour : rapatriement annoncé du siège de l’UAT à Kinshasa, digitalisation ambitieuse des services postaux, et surtout ce plan phare de déploiement de 10 000 km de fibre optique. Le taux de pénétration mobile à 63% semblait confirmer une dynamique positive dans le secteur télécoms numérique Congo.
Mais voilà que le gouvernement Suminwa 2, dès sa formation le 8 août 2025, opère un revirement spectaculaire. Cette fusion-scission ministères RDC en cascade ne risque-t-elle pas de ressembler à un jeu de chaises musicales administratives ? Les observateurs s’interrogent sur les motivations réelles d’un tel remaniement, d’autant que les attributions des nouvelles entités révèlent des zones grises potentielles. Comment garantir, par exemple, que le développement des infrastructures numériques – désormais sous l’Économie Numérique – s’articulera efficacement avec la gestion des réseaux télécoms dévolue à Moanda ?
La politique numérique gouvernement Suminwa affiche désormais deux visages. D’un côté, le ministère de l’Économie Numérique hérite d’un portefeuille stratégique : cybersécurité, intelligence artificielle, inclusion digitale et souveraineté numérique. De l’autre, le ministère des Postes et Télécommunications conserve la tutelle des opérateurs et la promotion du haut débit. Cette partition rappelle fâcheusement le cloisonnement antérieur à 2024, alors même que la convergence technologique exige une approche intégrée.
Augustin Kibassa ministère numérique retrouve ainsi un périmètre réduit, après avoir piloté l’ensemble du secteur. Ironie du sort, son ambitieux fonds de développement pour le service universel se retrouve désormais coincé entre deux administrations. Les risques de doublons ou de lacunes réglementaires sont réels, comme si la RDC répétait les errements qui ont longtemps freiné sa révolution digitale. Cette instabilité institutionnelle envoie un signal négatif aux investisseurs alors que le pays accuse déjà un retard dans la connectivité rurale.
La quadrature du cercle réside désormais dans l’articulation opérationnelle entre ces deux ministères. L’efficacité de la politique numérique gouvernement Suminwa se jouera sur la capacité de Kibassa et Moanda à dépasser les logiques de silos. Le défi est de taille : éviter que la fragmentation administrative ne saborde les projets structurants engagés, à commencer par le maillage fibre optique dont seul 20% serait réalisé à ce jour. La crédibilité de la restructuration ministérielle RDC se mesurera à l’aune de la coordination concrète sur le terrain.
À l’heure où le numérique devient l’épine dorsale des économies modernes, la RDC peut-elle se permettre ces revirements institutionnels répétés ? La balle est désormais dans le camp de l’exécutif pour démontrer que cette nouvelle architecture n’est pas un retour en arrière déguisé, mais bien l’étape vers une gouvernance plus performante. Gageons que la prochaine réunion du Conseil des ministres clarifiera les mécanismes de collaboration entre ces deux entités – sous peine de voir la fracture numérique s’élargir davantage que la fracture ministérielle.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Eventsrdc