Imaginez-vous : une radio communautaire réduite au silence en plein cœur de la Lomami, ses micros éteints par décret municipal. C’est le cauchemar qu’ont vécu les auditeurs de Radio Nsenda Muana (RSM) à Mwene-Ditu, privés d’informations locales pendant près de deux semaines après une fermeture brutale ordonnée le 30 juillet 2025.
Le maire Gérard Tshibanda Kabwe a brandi l’argument de l’« incitation à l’incivisme fiscal et à la haine tribale » pour justifier cette décision, validée lors d’une réunion de sécurité présidée par le gouverneur Iron-Van Kalombo Musoko. Dans la foulée, trois voix critiques ont été muselées : Clovis Kaseba (directeur des programmes), Albin Mukadi et Prince Lulamba, interpellés par la police locale le 31 juillet pour « outrage et rébellion ».
Quatre jours de détention. Quatre jours où la peur a rôdé dans les couloirs de cette station qui vibrait au rythme des préoccupations des habitants de Mwene-Ditu. Comment une radio communautaire peut-elle devenir une menace aux yeux des autorités ? Cette question hante aujourd’hui les défenseurs des libertés publiques en République démocratique du Congo.
La réouverture intervenue ce 11 août 2025, après treize jours de combat, fait souffler un vent de soulagement. Mais pour l’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA), cette victoire a un goût amer. « Nous prenons acte de la reprise des émissions, mais comment qualifier une mesure qui bafoue ouvertement la loi congolaise sur la presse ? » s’interroge un responsable de l’ONG, joint par nos soins.
Le couperet est tombé sans procédure légale, sans droit de réponse, dans une province où l’information indépendante se fait déjà rare. La fermeture de Radio Nsenda Muana s’inscrit dans une inquiétante série de pressions contre les médias locaux. Rappelons qu’en 2024, l’OLPA avait documenté sept cas de censure administrative uniquement dans la région du Kasaï.
« Cette décision arbitraire porte un coup dur à la libre circulation de l’information et crée un climat de peur chez les professionnels des médias », déplore le communiqué de l’OLPA. Derrière les murs repeints de la radio rouverte, les cicatrices demeurent. Un journaliste sous couvert d’anonymat confie : « Chaque fois qu’on critique une autorité, on se demande si ce soir, les policiers viendront nous chercher. »
L’épisode pose une question cruciale : jusqu’où ira-t-on dans la restriction des libertés fondamentales sous couvert de maintien de l’ordre ? La détention expéditive des trois professionnels rappelle des méthodes que la RDC croyait avoir enterrées avec la transition démocratique. Le procureur près le tribunal de grande instance de Mwene-Ditu n’a toujours pas fourni d’éléments tangents étayant les accusations initiales.
Alors que la radio a repris ses émissions ce lundi, l’OLPA exige des garanties contre de nouvelles entraves au travail journalistique. La balle est désormais dans le camp des autorités provinciales. Accepteront-elles le contre-pouvoir essentiel d’une presse libre ? Ou la Lomami deviendra-t-elle le symbole d’une régression silencieuse des droits conquis de haute lutte ?
Dans les rues de Mwene-Ditu, les transistors recommencent à grésiller sur les ondes familières de RSM. Mais derrière ce retour à la normale apparente, c’est tout l’équilibre fragile de la démocratie congolaise qui vacille. Quand une radio communautaire devient la cible du pouvoir local, c’est la voix de tout un peuple qu’on cherche à étouffer.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd