Dans un geste chargé de symbolisme politique et spirituel, Patrick Muyaya Katembwe, fraîchement reconduit à la tête du ministère de la Communication et des Médias au sein du gouvernement Suminwa II, a choisi la paroisse Saint Michel de Bandalungwa pour sceller son troisième mandat. Ce dimanche 10 août 2025, sous les voûtes de l’église, l’abbé Raphaël Adingowe lui a imparti une bénédiction solennelle, l’exhortant à ancrer son action dans « la vérité et le service au peuple congolais ». Un rituel public qui interroge : cette quête de légitimité divine traduit-elle une fragilité politique ou une stratégie de reconquête médiatique ?
Le cérémonial, soigneusement orchestré, voit le ministre plongé dans une ferveur ostensible. L’abbé Adingowe, figure cléricale influente, a transformé l’homélie en tribune d’injonctions morales : « Que votre parole soit un rempart contre la désinformation et un canal de justice sociale ». Muyaya, visiblement ému, a saisi l’occasion pour réaffirmer son credo politique devant les fidèles : « Avec humilité, j’accepte cette responsabilité. Je resterai à l’écoute des citoyens ». Pourtant, derrière cette rhétorique de communion se profile l’épineuse réalité d’un secteur médiatique congolais miné par la polarisation et les pressions économiques.
Cette reconduction dans le gouvernement Suminwa II n’est pas anodine. Elle survient dans un contexte où la communication d’État doit naviguer entre les écueils des fake news et les attentes d’une population exigeante. Le ministre, en fervent chrétien, brandit sa foi comme étendard éthique – mais suffira-t-elle à apaiser les critiques sur l’opacité des institutions ? Ses références répétées au « soutien divin » et à « l’humilité » ressemblent à un plaidoyer pro domo anticipant les tempêtes à venir. Les paroissiens, certes conquis par l’instant, lui ont prodigué des vœux de « persévérance », terme révélateur des défis sous-jacents.
L’analyse politique décrypte ce rendez-vous bandalungwais comme une tentative de réenracinement populaire. En associant sacerdoce religieux et fonction ministérielle, Muyaya tisse un récit de continuité morale. « Servir avec intégrité » : le leitmotiv sonne comme un aveu implicite des lacunes passées. Or, les défis sont tangibles : comment restaurer la crédibilité des médias publics ? Quel rôle jouera-t-il dans la régulation des plateformes numériques ? Sa déclaration sur le renforcement du « lien gouvernement-population » reste un vœu pieux sans mécanismes concrets.
La bénédiction de l’abbé Adingowe agit ainsi comme un miroir grossissant des tensions du mandat à venir. Si le rituel offre une trêve spirituelle, il ne saurait masquer l’exigence d’actions structurantes. Les prochains mois verront si le ministre, porté par cette onction paroissiale, saura transformer l’essai – ou si cette mise en scène pieuse ne sera qu’un épiphénomène dans un paysage médiatique en quête de véritables réformes. L’équilibre entre sacralité et efficacité gouvernementale demeure son ultime test.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Eventsrdc