Des cris déchirants ont résonné ce mardi 5 août dans la commune de Kanzala à Tshikapa, où des engins de la société JMC réduisaient en gravats des habitations précaires. Parmi les décombres, Jean*, père de quatre enfants, tentait désespérément de récupérer un matelas à moitié enseveli : « Ils sont venus comme des voleurs à l’aube. Comment reconstruire une vie quand on vous arrache votre toit sans avertissement ? ». Cette scène de désolation marque le lancement controversé du projet Tshilejelu, initiative présidentiale visant à moderniser les infrastructures routières et d’assainissement de la ville du Kasaï.
Les autorités provinciales justifient cette opération de démolition par une nécessité urbanistique. Pierre Muamba, ministre provincial des Infrastructures et Travaux publics, défend une vision d’avenir : « Tshikapa doit se conformer aux normes modernes. Ces constructions anarchiques sur emprises publiques entravaient l’asphaltage des avenues. Nous agissons pour l’image de notre ville ». Pourtant, sur le terrain, la réalité contredit les déclarations officielles. Des dizaines de familles affirment n’avoir bénéficié d’aucune mesure d’accompagnement, ni compensation, ni solution de relogement viable. Le fossé se creuse entre les promesses de développement et la précarité immédiate des populations.
La société JMC, mandatée pour les travaux, assure avoir multiplié les avertissements. Mais les témoignages recueillis auprès des sinistrés peignent un tableau différent. Marthe, vendeuse ambulante, montre les maigres effets sauvés in extremis : « On savait que la démolition viendrait, mais sans moyens pour déménager, où aller ? Le projet parle de modernité, mais pour nous, c’est la rue qui commence aujourd’hui ». Cette contradiction soulève des questions brûlantes sur les priorités des grands chantiers d’infrastructures au Kasaï. Le développement justifie-t-il de sacrifier les plus vulnérables ?
Les prochaines phases du projet Tshilejelu menacent désormais les communes de Dibumba et Kele, alimentant l’inquiétude des riverains. Derrière les discours sur la transformation urbaine se cache une amère réalité sociale : des centaines de familles congolaises paient le prix fort d’une modernisation qui les exclut. Si l’initiative présidentielle promet à terme une ville embellie, elle laisse aujourd’hui des vies en suspens, sans filet de sécurité. La vraie modernité ne devrait-elle pas inclure le respect des droits élémentaires au logement et à la dignité ? Le défi des infrastructures Kasaï se double désormais d’une urgence humanitaire silencieuse.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd