Une annonce politique contraste violemment, cette semaine, avec la réalité brûlante du pays. L’installation du gouvernement Suminwa II, censée incarner un nouveau souffle, survient alors que la crise sécuritaire et humanitaire s’aggrave comme jamais, piégeant la nation dans un engrenage de violences, de déplacements et de faim. Dans ce climat, beaucoup s’interrogent : la République démocratique du Congo change-t-elle vraiment ou ne fait-elle que recycler l’impuissance ?
Sur la scène nationale, la publication du gouvernement Suminwa II aurait dû susciter l’espoir d’un renouveau. Or, la société civile, des ONG jusqu’aux syndicats d’enseignants, n’y voient globalement qu’une reconduction d’équipes et de méthodes ayant maintes fois déçu. Les voix citoyennes dénoncent une « méritocratie envoyée à la morgue » — une formule qui résonne alors qu’au même moment, sur le terrain, le peuple saigne et s’appauvrit comme rarement.
Car la semaine a été marquée par l’annonce glaçante de l’ONU : en moins de 15 jours à Rutshuru, ce sont 319 civils, principalement des agriculteurs, qui ont été massacrés par le M23. L’Est du pays n’a jamais semblé aussi hors de contrôle : exode massif des jeunes fuyant l’esclavage, zones entières soumises à des administrations parallèles, taxation mafieuse sur les routes, enfants privés d’école, violences spectaculaires à Goma, Bunia, Walikale, Sud-Kivu… Partout, la terreur s’enracine et s’institutionnalise. Dans l’Ituri comme dans le Nord-Kivu, l’arrivée de quelque 2 millions de déplacés dans leurs villages ne suffit pas à masquer l’horreur d’un pays toujours meurtri — la RDC compte encore près de 6 millions de déplacés au total, dans des conditions indignes, selon l’OCHA.
Si l’Occident (France, USA, Japon), mais aussi le système humanitaire africain, tentent tant bien que mal d’apporter un peu de secours – 52 millions de dollars lâchés par Washington, 1,5 million d’euros d’urgence débloqués par Paris, plans d’interventions musclés du PAM –, ces aides restent une goutte d’eau face à l’immensité de la tâche. À chaque regain de violence, les humanitaires fuient, les écoles ferment, les marchés brûlent. L’économie locale amorce un effondrement silencieux, alors que 27,7 millions de Congolais souffrent d’insécurité alimentaire aiguë.
Politiquement, la rupture promise par les accords de Doha et de Washington s’avère, dans les faits, une impasse où chaque camp se renvoie la responsabilité de la violence. Le gouvernement congolais accuse désormais le M23 de refuser toute négociation sérieuse, les médiateurs internationaux prêchent dans le vide, et la société civile, à l’Est, se sent tout simplement abandonnée. Le « recyclage politique » actuel, loin de rassurer, nourrit la défiance et la démobilisation citoyenne. Notre société voit s’installer une culture du provisoire : remaniements et dialogues sans lendemain alors que la misère, la peur et l’insécurité deviennent le cadre ordinaire de millions d’existences. Or, sans courage politique ni capacité à traduire les promesses en actes, la RDC risque de s’enfoncer dans une fragmentation irréversible.
L’heure n’est plus à l’autosatisfaction ni au confort rhétorique : le Congo vit l’un des moments les plus périlleux de son histoire contemporaine. Le gouvernement Suminwa II sera jugé non pas sur la diversité de ses profils, mais sur sa capacité immédiate à protéger les civils, rétablir une administration digne et restaurer la confiance. Il s’agit de replacer l’humain et la dignité au centre, de renverser la logique du fatalisme et de puiser dans la résilience populaire une possible renaissance nationale.
Nous appelons à une prise de conscience collective – institutions, élus, citoyens : le temps des illusions est terminé. Le Congo ne sera sauvé que si une rupture claire, tangible, enfin opérante s’engage, répondant à la double urgence de la paix et du respect de chaque vie congolaise.
— La Rédaction de CongoQuotidien
