« Nous serons écoutés quand il y aura déjà un forfait ». La voix empreinte d’amertume de Riccardo Rupande, président de la société civile de Ruwenzori, résonne comme un cri d’alarme face à l’indifférence des autorités. Dans le territoire de Beni au Nord-Kivu, les ponts Lume et Hululu, artères vitales de l’axe stratégique Beni-Kasindi, menacent de s’effondrer à tout moment. Des milliers d’usagers quotidiens et le transport de marchandises sont désormais suspendus à ces structures branlantes, symptômes criants de la crise des infrastructures en RDC.
Le pont Lume, construction provisoire à l’espérance de vie limitée, a subi un coup fatal ce week-end. Ses planches traversières, laminées par le passage incessant de camions surchargés, ont finalement cédé. Résultat : une interruption brutale de la circulation qui paralyse désormais les échanges entre ces localités. Comment une telle fragilité a-t-elle pu être tolérée sur un axe aussi stratégique ? La question brûle les lèvres des habitants contraints de jouer chaque jour leur vie en empruntant ces ouvrages défaillants.
À quelques kilomètres, le pont Hululu présente lui aussi des signes de fatigue extrême. Ses poutres métalliques rouillées grincent sous le poids des véhicules, tandis que les riverains observent, impuissants, l’apparition de fissures inquiétantes. « Ce pont reçoit des gros véhicules. Ce n’est pas possible qu’on y place juste un pont provisoire », déplore Riccardo Rupande. Son constat est sans appel : l’effondrement n’est plus une hypothèse, mais une probabilité immédiate. Combien de drames faudra-t-il pour que les autorités se saisissent enfin de cette crise des ponts Beni-Kasindi ?
Derrière cette urgence technique se cache un flou administratif préoccupant. La société civile dénonce l’absence de réponse concrète malgré des alertes répétées. Pire : personne ne semble savoir si la responsabilité des travaux incombe au gouvernement ou à l’entreprise Dott Service. Cette opacité nourrit la colère des acteurs locaux, témoins impuissants d’une tragédie annoncée. Dans cette région du Nord-Kivu déjà éprouvée par l’insécurité, l’état des ponts Lume Hululu ajoute une couche de vulnérabilité supplémentaire aux populations.
Face à la pression montante, le conseiller du gouverneur chargé des infrastructures a fini par réagir. Reconnaissant la « gravité de la situation », il promet le remplacement « incessant » de ces ponts de fortune par des ouvrages durables. Mais l’annonce, dépourvue de calendrier précis et de modalités concrètes, sonne creux aux oreilles des usagers. Comment croire en ces promesses alors que le danger est immédiat ? Les mots ne construiront pas de nouveaux ponts.
Cette crise des infrastructures à Ruwenzori dépasse la simple question technique. Elle révèle l’abandon des zones périphériques et l’incapacité chronique à entretenir le patrimoine collectif. Chaque jour où ces ponts résistent miraculeusement est un sursis volé au destin. Les populations, prises en otage entre des routes coupées et des ouvrages mortifères, attendent plus que des discours. L’heure n’est plus aux diagnostics mais à l’action, avant que l’effondrement ne transforme cette alerte en deuil national.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net