Les cendres sont encore tièdes à Lundu, où le silence lourd a remplacé les rires des enfants. « Ils ont tout pris, même les photos de nos ancêtres », murmure un habitant, les yeux rivés sur les décombres de sa maison. Lundi 30 juin, ce village du groupement Kianza, dans le territoire de Feshi, a été le théâtre d’une violence rurale insensée : 35 habitations réduites en fumée dans un conflit inter-villages qui plonge la région dans l’effroi.
L’étincelle ? Un drame survenu à 13 kilomètres de là, au village voisin de Malembe. Un homme y a été sauvagement assassiné par des membres de sa propre famille, accusé de sorcellerie après le décès mystérieux d’un proche. Comment une accusation aussi ancestrale peut-elle encore déclencher une telle barbarie au XXIe siècle ? La réponse est venue en torrents de flammes : des jeunes de Malembe, assoiffés de vengeance, ont déferlé sur Lundu pour y semer la désolation.
« La population a tout perdu », confirme l’administrateur du territoire, Georges Matabisi, le visage grave. Les toits de paille, les maigres récoltes, les souvenirs – tout n’est plus que cendres. Derrière ce chaos, une logique implacable de vendetta qui rappelle les pires heures des conflits inter-villages en RDC. Mais jusqu’où cette spirale infernale va-t-elle entraîner ces communautés ?
Face à l’urgence, les autorités ont réagi fermement. L’arrestation du chef de Malembe, soupçonné de complicité avec les incendiaires encore en fuite, marque un premier pas. « Nous avons instruit sa détention pendant que les enquêtes se poursuivent pour identifier tous les criminels », précise Matabisi. Pourtant, cette mesure suffira-t-elle à apaiser les cœurs meurtris de Lundu ? Dans cette région du Kwango, la violence rurale trouve trop souvent son terreau dans l’impunité et les traditions dévoyées.
Le drame de Feshi soulève des questions brûlantes sur l’emprise persistante de la sorcellerie comme justification des pires exactions. Quand une accusation sans preuve suffit à légitimer un meurtre puis des représailles collectives, c’est tout le tissu social qui se déchire. Les habitants de Lundu, désormais sans abri, incarnent l’urgence d’une réponse globale : sécuritaire, certes, mais aussi éducative et judiciaire. Car derrière chaque maison calcinée, c’est le droit à une vie paisible qui part en fumée.
Alors que les enquêtes progressent, une ombre plane : comment reconstruire quand la confiance entre villages voisins est réduite en cendres ? La sorcellerie à Feshi n’est pas qu’une affaire de croyances – elle devient une arme de destruction massive des liens communautaires. Tant que l’État ne tendra pas une main ferme et protectrice vers ces zones reculées, la violence rurale au Kwango risque de perpétuer ce cycle infernal. Les cendres de Lundu crient une vérité amère : sans justice, la braise couve toujours sous la paix apparente.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
