La dernière réunion du Conseil des ministres a vu le Chef de l’État congolais, Félix Tshisekedi, tirer la sonnette d’alarme sur les retards inquiétants entachant le Programme de Développement Local des 145 Territoires (PDL-145T). Avec une fermeté inhabituelle, le Président a rappelé que la livraison des infrastructures scolaires, sanitaires et administratives avant le 31 décembre 2025 constituait un engagement sacré envers les populations rurales. Mais entre la vision présidentielle et la réalité du terrain, un fossé se creuse dangereusement.
« Le succès de cette première phase est capital pour la crédibilité du programme, mais surtout pour la confiance de nos concitoyens en la capacité de l’État », a martelé Tshisekedi, selon le compte-rendu officiel. Cette déclaration, teintée d’une urgence palpable, intervient alors que les rapports techniques révèlent des dysfonctionnements systémiques. Le programme, présenté comme la colonne vertébrale du développement local en RDC, pourrait-il devenir le symbole des promesses non tenues ?
Lancé sous l’ère Sama Lukonde, le PDL-145T ambitionnait de corriger les inégalités historiques par un déploiement sans précédent d’infrastructures de base. Doté d’un budget colossal de 1,665 milliard USD – principalement financé par Kinshasa avec l’appui des DTS du FMI – ce projet structurant repose sur trois agences d’exécution : PNUD, BCeCo et CFEF. Pourtant, les blocages s’accumulent : financements incomplets, procédures de marchés publics kafkaïennes, insécurité persistante dans certains territoires et difficultés d’accès aux chantiers.
Une étude récente du Centre de recherche en finances publiques et développement local (CREFDL) dresse un tableau alarmant. Dans le Kasaï, le PNUD n’aurait livré aucun ouvrage, tandis que le CFEF plafonnerait à 65% de réalisation dans certaines provinces. Ces retards, observés dans les zones test du Kwango, Kongo-Central et Kwilu, interrogent sur l’efficacité du dispositif. Comment expliquer que des agences onusiennes, pourtant rompues aux logistiques complexes, peinent à concrétiser ce développement local tant vanté ?
Face à cette « course contre la montre » – selon l’expression murmurée dans les couloirs du Palais de la Nation – Tshisekedi a ordonné une mobilisation générale. La Première ministre Judith Suminwa est chargée de coordoner les ministres techniques, tandis que les gouverneurs de provinces devront « lever tous les goulots d’étranglement » sous la supervision du vice-Premier ministre de l’Intérieur. Une centralisation accrue du pilotage qui traduit la méfiance présidentielle envers les relais territoriaux.
Le pari est pourtant risqué. Avec seulement dix-huit mois avant l’échéance, les défis techniques semblent disproportionnés : construire des centaines d’écoles et de centres de santé dans des zones enclavées relève-t-il de la gageure ? Les observateurs notent que cette précipitation pourrait sacrifier la qualité des constructions sur l’autel du calendrier politique. Car derrière les enjeux techniques se profile une bataille bien plus cruciale : celle de la légitimité présidentielle. L’échec du PDL-145T minerait le discours sur « l’État présent » que Tshisekedi oppose systématiquement à l’héritage de Kabila.
La crédibilité du Plan de développement du Chef de l’État se jouera donc dans ces chantiers isolés du Kasaï ou du Kwilu. Si les bâtiments administratifs restent des coquilles vides et les centres de santé sans médicaments, le programme phare de la mandature risque de se muer en repoussoir électoral. Tshisekedi l’a compris : sa mise en garde tonitruante au Conseil des ministres ressemble à un ultimatum. Reste à savoir si la machine étatique, réputée pour sa lourdeur, pourra soudainement démontrer une célérité dont elle est habituellement dépourvue. La réponse se mesurera concrètement, à l’aune des briques posées avant la fin 2025.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd