Le bruit des générateurs couvre les voix des enfants dans les ruelles de Matete, tandis que des femmes parcourent des kilomètres, bidons vides à la main. À Kinshasa, cette scène quotidienne illustre un paradoxe criant : 65 ans après l’indépendance, l’accès aux services sociaux en RDC demeure un mirage pour des millions de Congolais. « L’accès aux soins médicaux, à l’eau potable, à l’électricité et à d’autres services essentiels reste un luxe », déplore Didier Ekabela, coordonnateur-adjoint de l’ALSOC, la voix empreinte d’une colère contenue lors de la conférence-débat du 28 juin.
Comment un pays aussi riche en ressources naturelles peut-il laisser ses citoyens survivre plutôt que vivre ? La question plane comme un reproche dans la salle où l’Alliance des leaders de la société civile a dressé son bilan implacable. Selon l’organisation, cette carence historique résulte des « tâtonnements des différents régimes politiques » depuis l’indépendance du Congo en 1960. Une succession de gouvernances sans vision sociale pérenne qui a laminé les espoirs d’amélioration des conditions de vie au Congo.
Le diagnostic est sans appel : dans les centres de santé sous-équipés, les médicaments vitaux manquent cruellement, transformant des pathologies curables en condamnations. Les soins médicaux en RDC relèvent souvent du parcours du combattant pour des familles obligées de choisir entre manger ou se soigner. « Quand ma fille a contracté le paludisme, j’ai dû vendre notre seule chèvre pour payer la quinine », témoigne Joséphine, mère de trois enfants dans le quartier de Kimbanseke. Son récit fait écho aux statistiques accablantes : moins de 20% de la population aurait un accès régulier à l’eau potable selon des études récentes.
L’électricité ? Un privilège urbain intermittent. L’éducation ? Des classes surchargées où les élèves s’assoient à même le sol. Ces réalités dessinent une fracture sociale abyssale où la promesse d’émancipation post-coloniale s’est muée en un cycle de précarité. L’ALSOC pointe du doigt l’absence de politiques structurantes : « Comment expliquer qu’après six décennies, nous n’ayons toujours pas de schéma directeur pour l’eau ou l’énergie ? », interroge un participant, la frustration palpable.
Derrière ces manques, c’est le droit fondamental à une existence digne qui est bafoué jour après jour. Les conséquences sont tangibles : espérance de vie parmi les plus basses d’Afrique, mortalité infantile alarmante, exode rural massif. Le tableau semble sombre, mais pour l’ALSOC, des solutions existent : priorisation budgétaire, lutte contre la corruption dans les services publics, et surtout, inclusion des communautés dans la conception des politiques. À quand un Congo où l’accès à l’eau ne sera plus un combat, où une simple consultation médicale ne rimerait plus avec ruine ? La réponse engage l’avenir même d’une nation à la croisée des chemins.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net