La silhouette frêle de Junior, 10 ans, se fond dans la poussière ocre de l’avenue de l’Indépendance. Comme des centaines d’autres enfants non scolarisés à Bunia, il tend la main vers chaque passant : « Cent francs seulement, pour manger aujourd’hui… » Ce tableau quotidien dans la capitale de l’Ituri cache une crise bien plus profonde, dénoncée avec virulence par le Comité provincial des enfants à l’occasion de la Journée de l’enfant africain.
« Notre prospérité et notre sécurité sont plus que menacées », alerte Josué Sumbuso, porte-parole de cette structure dédiée aux droits enfant en RDC. Les rues de Bunia abritent désormais une génération sacrifiée par les conflits armés en Ituri, transformant ces mineurs en « bombe à retardement » selon ses termes glaçants. Une situation qui perdure depuis cinq longues années, malgré les alertes répétées.
Quel avenir attend une province qui laisse ses enfants grandir dans la violence et le mépris ? La question hante les spécialistes de la protection infantile. Sans tuteur ni encadrement, ces mineurs survivent dans une précarité extrême, exposés aux multiples dangers de la rue à Bunia. « Ils subissent des traumatismes psychologiques profonds et des violences sexuelles systématiques », déplore Sumbuso, soulignant l’impact dévastateur sur leur santé mentale.
Le parallèle avec Kinshasa, où des enfants des rues ont alimenté des cycles de violence urbaine, fait frémir. « Nous risquons de replonger dans une spirale incontrôlable », met en garde le représentant du comité enfants Ituri, rappelant au gouvernement ses obligations légales. La loi congolaise sur la protection de l’enfant et la Convention internationale des droits de l’enfant restent lettre morte pour ces oubliés du système.
Lors des évaluations menées avec des partenaires comme Save the Children, un constat amer s’est imposé : les fonds alloués annuellement ne suffisent pas à endiguer le phénomène. Les racines du mal plongent dans les déplacements massifs causés par les milices, brisant les structures familiales traditionnelles. Comment expliquer que dans une province riche en ressources minérales, des enfants en viennent à mendier pour un repas ?
La réponse implique une mobilisation transversale : réinsertion scolaire urgente, programmes psychosociaux et sécurisation des zones rurales pour permettre le retour des familles déplacées. L’inaction actuelle hypothèque non seulement le destin de ces enfants, mais celui de toute une région encore convalescente après des décennies de conflits. L’Ituri parviendra-t-elle à désamorcer cette bombe humaine avant l’explosion sociale ? Le compte à rebours est lancé.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net