« Depuis lundi, mon camion dort plus qu’il ne roule », soupire José, transporteur sur l’axe Mitendi-Bypass, les mains crispées sur son volant. Comme des milliers de chauffeurs, il subit la dernière trouvaille municipale contre les embouteillages Kinshasa : un carcan horaire qui transforme la circulation des poids lourds en parcours du combattant.
La mesure, officialisée après une réunion évaluative à l’hôtel de ville, segmente drastiquement la circulation poids lourds. Les mastodontes de 20 tonnes et plus transportant matériaux de construction (ciment, sable, bois) sont relégués à la nuit profonde : 22h à 5h uniquement. Les remorques, elles, disposent d’une fenêtre de 5 heures en journée (10h-15h) sur des « couloirs économiques » tracés au cordeau : Mitendi-Bypass et boulevard Lumumba-14è rue Limete.
Quant aux véhicules sous 15 tonnes effectuant des « livraisons légères », leur sort est mitigé : autorisés de 10h à 15h, mais bannis des grands axes et contraints à un stationnement hors chaussée. Ces restrictions camions RDC dessinent-elles pour autant une capitale apaisée ? Rien n’est moins sûr, tant les exemptions interpellent : bétonnières, camions de la SEP Congo, REGIDESO, SNEL, OVD et véhicules militaires ou policiers circulent librement. « Où est l’équité quand certains sont au-dessus des lois qui étranglent nos businesses ? », interroge Amélie, gérante d’une PME logistique.
Ces mesures trafic Kinshasa butent sur un mur de réalités. Car l’étouffement routier kinois puise ses racines dans un cocktail explosif : code de la route bafoué en toute impunité, absence criante de régulation transport urbain, routes défoncées transformées en bourbiers aux premières pluies, et un parc automobile gonflé à 1,5 million de véhicules selon les projections 2025. « Serrer la vis aux camions sans régler ces quatre fléaux, c’est comme vider l’océan avec une cuillère », tonne un expert en mobilité urbaine sous couvert d’anonymat.
La sanction des contrevenants, bien que mentionnée dans le communiqué municipal, laisse sceptique. Dans une ville où l’informel structure l’économie, comment imposer ces plages sans alternative de stationnement ? Le stationnement désordonné des remorques, pointé comme cause majeure de congestion, persiste par manque de parcs dédiés. Ces restrictions camions RDC risquent-elles d’asphyxier l’approvisionnement des chantiers et marchés ? La question brûle les lèvres des commerçants de Limete, déjà confrontés à des surcoûts logistiques.
Si l’intention de désengorger semble louable, l’absence de vision systémique interroge. Kinshasa joue-t-elle aux apprentis sorciers avec une régulation transport urbain au coup par coup ? Sans investissement massif dans les infrastructures routières et une gestion intelligente du trafic, ces restrictions horaires pourraient n’être qu’un cautère sur une jambe de bois. Le défi dépasse la simple fluidification : c’est la mobilité équitable de dix-sept millions d’habitants qui se joue dans ces mesures trafic Kinshasa. L’heure n’est plus aux rustines, mais à la révolution des déplacements.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd