KOLWEZI / LUALABA – Le complexe cuprifère de Kamoa-Kakula, fleuron minier de la RDC, traverse une turbulence opérationnelle inédite. Alors qu’une activité sismique a contraint à la suspension temporaire des activités dans la section est de la mine souterraine de Kakula, les concentrateurs des phases 1 et 2 tournent au ralenti, alimentés par les stocks de surface. Une situation qui interroge sur la résilience de ce géant du cuivre, dont les ambitions mondiales reposent sur une chaîne d’approvisionnement sans faille.
Dimanche 18 mai 2025 restera une date charnière pour Kamoa Copper SA. Les capteurs géotechniques ont détecté des mouvements souterrains inhabituels dans la zone est de Kakula, déclenchant un protocole d’urgence rodé. Résultat : 3 800 employés évacués en moins de six heures, selon nos informations, et un retrait préventif des équipements mobiles. « Aucune vie n’est négociable contre une tonne de cuivre », souligne un ingénieur de sécurité sous couvert d’anonymat.
Derrière cette réactivité exemplaire se cache un paradoxe économique. Avec 3,8 millions de tonnes de minerai entreposées – de quoi alimenter les usines pendant 45 jours selon les experts –, le complexe minimise l’impact sur sa production globale. Pourtant, chaque jour d’arrêt dans la section est de Kakula prive le réseau de 850 tonnes de concentré cuprifère, soit près de 5,6 millions USD de manque à gagner journalier au cours actuel.
Un équilibre précaire entre sécurité et performance
La reprise partielle des opérations dans la zone ouest, déclarée stable ce 20 mai, ne masque pas les défis structurels. Les géologues redoutent une modification des flux hydrauliques souterrains, susceptible de compliquer l’extraction dans les prochains mois. « Les vibrations ont probablement affecté les systèmes de pompage », analyse le Pr. Kabasele de l’Université de Lubumbashi, joint par notre rédaction. « Cela nécessitera des investissements correctifs de l’ordre de 12 à 15 millions USD ».
Cette crise survient à un moment stratégique : Kamoa Copper vise 550 000 tonnes de production annuelle d’ici décembre 2025. Si la phase 3 – épargnée par les événements – tourne à plein régime (180 000 t/an), les phases 1 et 2 fonctionnent à 65% de leur capacité selon des sources internes. De quoi impacter les prévisions exportatrices de la RDC, alors que le cuivre représente 68% des recettes d’exportation nationales.
Stocks de surface : une bouée de sauvetage à double tranchant
Le recours aux réserves de minerai haut grade (4,1% Cu) et moyen grade (2,8% Cu) permet de maintenir un flux de trésorerie vital. Mais cette stratégie compresse les marges : le traitement de stocks moins concentrés augmente les coûts énergétiques de 7 à 9%, selon une étude récente de la Banque Centrale Congolaise. Parallèlement, les cours mondiaux du cuivre fluctuent entre 9 200 et 9 500 USD/tonne, créant une fenêtre de rentabilité étroite.
Reste une inconnue majeure : la durée des inspections dans la zone est de Kakula. Chaque semaine supplémentaire d’immobilisation pourrait réduire de 1,2% le PIB provincial du Lualaba, région qui contribue à hauteur de 35% à la richesse minière nationale. Les autorités provinciales se veulent rassurantes : « Cette suspension préventive démontre notre maturité en gestion de risques miniers », affirme le gouverneur intérimaire, Fifi Masuka Saini.
Une transition énergétique sous tension
L’incident relance le débat sur le modèle « mine verte » vanté par Kamoa Copper. Alors que le complexe s’alimente à 95% en hydroélectricité propre, certains experts pointent un paradoxe : « La course à la décarbonation ne doit pas occulter les risques géomécaniques inhérents à l’extraction intensive », tempère Dr. Mujinga, consultant en mines durables.
La balle est désormais dans le camp des équipes techniques. Leur capacité à rétablir rapidement des conditions d’exploitation sûres déterminera si Kamoa-Kakula conservera son rang de 4e producteur mondial de cuivre – ou devra revoir ses ambitions à la baisse. Une chose est sûre : les yeux des marchés internationaux restent braqués sur ce baromètre économique congolais.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd