Les eaux tumultueuses du lac Tanganyika ont une fois encore révélé leur puissance destructrice. Dans la nuit du 8 au 9 mai, des vagues monstrueuses ont déferlé sur Kasaba, localité du territoire de Fizi, au Sud-Kivu, transformant ce coin paisible en paysage apocalyptique. Des maisons englouties, des vies balayées, des survivants hébétés… La nature vient de rappeler sa colère à une région déjà meurtrie.
« Le lac s’est réveillé en furie », témoigne un habitant dont la voix tremble encore. Les eaux, charriant des blocs de pierre et des tonnes de sable, ont tout emporté sur leur passage. Des familles entières ont disparu dans ce déluge improvisé, leurs cris étouffés par le grondement des flots. Combien de corps reposent désormais sous ces débris ? Les équipes de recherche, débordées, peinent encore à établir un bilan humain.
Cette catastrophe survient comme un sinistre écho au drame de Kakone survenu il y a quelques mois. Le scénario se répète : montée soudaine des eaux, alertes inexistantes, populations prises au piège. « C’est la deuxième fois en moins d’un an que notre territoire pleure ses enfants », déplore Akili Bernard, chef de secteur de Ngandja. Son appel lancé aux autorités territoriales et provinciales résonne comme un cri d’alarme : jusqu’à quand laisserons-nous ces communautés riveraines affronter seules la fureur des éléments ?
Derrière cette tragédie se profile une réalité climatique implacable. Les experts pointent du doigt l’érosion accélérée des berges et la déforestation sauvage qui privent le sol de sa stabilité. Chaque arbre abattu dans l’hinterland du Sud-Kivu devient une ligne de défense en moins contre la fureur des eaux. Le lac Tanganyika, véritable baromètre écologique de la région, manifeste ainsi son déséquilibre croissant.
Face à l’ampleur des dégâts – habitations pulvérisées, récoltes anéanties, infrastructures vitales détruites – les survivants errent dans un désarroi poignant. « Nous avons tout perdu en une nuit », murmure une mère serrant contre elle son dernier enfant. Ces sinistrés de Fizi, aujourd’hui à la merci des intempéries, réclament abris, nourriture et soins médicaux d’urgence. Mais comment répondre à cette détresse quand les routes d’accès sont coupées et les moyens logistiques inexistants ?
La solidarité nationale et internationale devient dès lors une bouée de sauvetage vitale. Les organisations humanitaires présentes dans l’Est de la RDC doivent composer avec un casse-tête logistique : acheminer l’aide dans des zones enclavées tout en évitant les risques sécuritaires persistants. Un défi qui exige une coordination sans faille entre acteurs locaux et appuis extérieurs.
Cette nouvelle catastrophe naturelle au Sud-Kivu sonne comme un avertissement sans équivoque. Les phénomènes climatiques extrêmes frappent désormais avec une régularité macabre. Entre deux crises, le temps des solutions durables semble toujours repoussé. Pourtant, des mesures existent : reboisement urgent des berges, systèmes d’alerte précoce, relogement des populations vulnérables… Autant d’actions qui exigent volonté politique et financements adéquats.
Alors que les eaux du Tanganyika regagnent lentement leur lit, une question brûle les lèvres : combien de villages devront disparaître avant que la prévention ne devienne prioritaire ? La résilience des communautés de Fizi, bien réelle, ne suffira pas à contenir indéfiniment la colère des éléments. L’heure n’est plus aux constats désolés mais à l’action concertée. Car derrière chaque « catastrophe naturelle » se cache aussi une part de responsabilité humaine.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: Actualite.cd
