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Sud-Kivu : La justice populaire fait 8 morts à Bukavu dans un climat de terreur et de défiance institutionnelle

Le cri étouffé de Nyawera résonne encore dans les ruelles de Bukavu. « Ils lui ont tiré une balle dans le cou comme un animal d’abattoir », murmure un commerçant, les yeux rivés sur la tache de sang séché devant l’ancienne cabine téléphonique. Ce mardi 6 mai, un cambiste de 34 ans rejoignait la liste macabre des huit victimes d’une justice expéditive qui ensanglante la ville depuis une semaine. Un phénomène qui interroge autant qu’il terrifie : jusqu’où peut aller le désespoir d’une population abandonnée à son sort ?

Dans ce climat de défiance généralisée, chaque quartier écrit sa propre tragédie. À Ndendere, c’est un arbitre footballistique de 27 ans qui a été lynché par la foule pour vol armé. « Comment croire encore en la justice quand ceux qui doivent l’incarner nous trahissent ? », s’insurge Mama Pascaline, vendeuse ambulante. Ses mains tremblent en évoquant les quatre corps calcinés découverts à Kadutu deux jours plus tôt.

Derrière ces chiffres glaçants se cache une réalité sociale explosive. La recrudescence des vols à main armée – 42 cas recensés en avril selon la société civile – heurte de plein fouet une population exsangue. « Les gens n’ont plus rien à perdre », analyse le sociologue Christian Bahizire. Entre chômage endémique (68% des actifs) et inflation galopante (+23% sur les denrées de base), Bukavu vit un cocktail détonant.

La faillite des institutions saute aux yeux. Postes de police désertés, tribunaux paralysés par les grèves, centres pénitentiaires surpeuplés… « Même les juges ont peur des représailles », confie sous anonymat un fonctionnaire du parquet. Cette vacance du pouvoir judiciaire ouvre la voie à tous les règlements de compte. Pendant ce temps, les rebelles du M23 renforcent leur emprise sur la ville, créant une zone de non-droit propice aux exactions.

« À qui devons-nous nous adresser ? », lance amèrement le pasteur Mathieu Nkulu, dont l’église accueille des familles de victimes. Cette interrogation hante tous les habitants. Les rares interventions policières – comme celle ayant suivi la mort du cambiste – arrivent souvent trop tard. « Nous travaillons jour et nuit à rétablir l’ordre », assure le commissaire provincial Mwamba Tshibangu, mais les moyens manquent cruellement.

Cette spirale infernale pose une question cruciale : la justice populaire est-elle devenue l’unique rempart contre l’effondrement de l’État ? Pour les défenseurs des droits humains, chaque lynchage creuse un peu plus le fossé entre citoyens et autorités. « Ça commence par un voleur, demain ce sera pour un différend familial », met en garde Me Sylvain Mumbere de l’ASADHO.

Bukavu, miroir grossissant des maux congolais, illustre le péril d’une société livrée à elle-même. Entre les balles des bandits et les pierres de la vindicte populaire, les habitants marchent sur une corde raide. La solution ? Elle exige plus que des opérations de sécurisation éphémères. Reconstruction des institutions, relance économique, dialogue communautaire… L’enjeu dépasse la simple lutte contre la criminalité : il s’agit de ressouder le contrat social en lambeaux.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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