Dans un contexte où la question de l’identification de la population congolaise cristallise les enjeux de souveraineté et de sécurité, le Symposium des femmes entrepreneures (SFE) a tiré la sonnette d’alarme ce samedi 03 mai à Kinshasa. Lors d’une conférence de presse organisée au lendemain de la signature d’un mémorandum entre l’Office national d’identification de la population (ONIP) et la République Tchèque, la structure a exhorté le ministère de l’Intérieur à « privilégier l’expertise aux illusions technologiques » dans le choix des partenaires pour ce chantier stratégique.
Marie Claudine Ntunda, présidente Zone Afrique du SFE, n’a pas mâché ses mots : « Certains prétendants à ce marché ressemblent à des athlètes sans souffle, prêts à s’effondrer avant l’arrivée. » Une métaphore cinglante visant explicitement Margins Group, cette entreprise ghanéenne accusée de « surfer sur des rapports opaques » malgré des performances jugées « médiocres » dans son pays d’origine. Selon les données du SFE, la société n’aurait identifié que 60% de la population ghanéenne en sept ans, un taux qui ferait sourire dans un pays-continent comme la RDC.
Mais pourquoi cette insistance à vouloir séduire Kinshasa malgré des bilans si peu flatteurs ? Le SFE pointe du doigt une « stratégie de séduction agressive » combinant promesses mirifiques et lobbying intensif. « On présente des algorithmes comme des baguettes magiques, mais derrière, les lacunes juridiques et les risques de fuites de données sont ignorés », a déploré Mme Ntunda, exigeant une « traçabilité totale » des critères de sélection.
Cette mise en garde intervient dans un climat sécuritaire volatile, particulièrement dans l’Est du pays. Comment croire à la crédibilité d’un système d’identification qui serait vulnérable aux infiltrations, alors que la région fait face à une agression rwandaise déguisée en rébellion locale ? Le SFE insiste sur la nécessité d’une solution « made in Congo », combinant innovation et contrôle étatique strict. « La biométrie ne doit pas devenir un cheval de Troie géopolitique », a lancé la présidente, rappelant au passage les récentes tensions autour des minerais stratégiques.
Reste la question du calendrier. Alors que le gouvernement promet depuis des années une identification fiable de sa population – condition sine qua non pour des élections apaisées et une gestion administrative modernisée –, les atermoiements dans le choix des partenaires techniques risquent de nourrir le scepticisme. Le ministère de l’Intérieur parviendra-t-il à résister aux sirènes des contrats juteux pour privilégier l’intérêt à long terme ? La crédibilité de toute la réforme se joue sur ce dilemme cornélien entre urgence politique et rigueur technologique.
Dernier acte de ce feuilleton : le mémorandum signé avec la Tchéquie, présenté comme un gage de sérieux. Mais certains observateurs y voient plutôt un écran de fumée. « Prague n’a aucune expertise reconnue en matière d’identification massive », tempête un consultant sous couvert d’anonymat. Le SFE, quant à lui, réclame des « audits indépendants » préalables à toute signature définitive. Un ultimatum qui pourrait bien déterminer si la RDC opte pour un saut dans l’inconnu… ou dans la modernité.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net