Dans un contexte de tensions politiques persistantes en République Démocratique du Congo, Martin Fayulu a une nouvelle fois brandi l’étendard de la cohésion nationale lors d’un discours devant la diaspora congolaise à Paris. L’opposant historique, figure incontournable de l’échiquier politique congolais, a surpris son auditoire en évoquant une éventuelle collaboration avec Corneille Nangaa, ancien président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). « Je n’ai aucun point d’accord avec Corneille Nangaa, mais cela ne veut pas dire que je ne peux pas m’asseoir avec lui parce que, j’ai pardonné », a-t-il déclaré, mêlant sagesse proverbiale et calcul stratégique.
Cette déclaration, à première vue conciliante, dissimule-t-elle une manœuvre d’apaisement ou un réalignement des forces d’opposition ? La question plane alors que le pays s’enfonce dans une crise multidimensionnelle. Fayulu, habitué des formules-chocs, précise néanmoins les conditions de ce dialogue inattendu : « Nous devons nous parler avec sincérité ». Une exigence qui ressemble à un avertissement voilé à l’égard du pouvoir en place, accusé à demi-mot de nourrir les divisions à des fins de conservation politique.
L’analyse des implications de cette ouverture révèle un double jeu subtil. D’un côté, le leader du parti Écidé tente de se positionner en rassembleur au-dessus des clivages, capitalisant sur son image d’incorruptible pour élargir sa base militante. De l’autre, il adresse un message crypté à la communauté internationale : la résolution de la crise congolaise passe par l’inclusion de tous les acteurs, y compris ceux controversés. N’y a-t-il pas là une manière détournée de critiquer l’approche exclusive du régime Tshisekedi, souvent dépeint comme autiste aux demandes de dialogue inclusif ?
Le deuxième volet de son intervention a jeté un pavé dans la mare diplomatique. Fayulu a fustigé avec véhémence l’accord de principes signé entre Kinshasa et Kigali sous médiation américaine, qualifiant cet épisode de « marchandage dangereux pour la souveraineté nationale ». Ses arguments rappellent cruellement les contradictions de la politique étrangère congolaise : comment concilier partenariats stratégiques et préservation des intérêts vitaux du pays ? La rhétorique du leader opposant soulève ici un point nodal : la gestion des relations avec le Rwanda reste un abcès pulsionnel dans la politique congolaise, susceptible de réveiller à tout moment les vieux démons nationalistes.
Ce positionnement tranché interroge sur l’évolution des rapports de force à l’approche du prochain cycle électoral. En cultivant à la fois l’ouverture dialogique et la fermeté patriotique, Fayulu dessine-t-il les contours d’une nouvelle stratégie d’alliances ? La réponse se niche peut-être dans le public ciblé : la diaspora congolaise en France, acteur économique majeur mais électoralement marginal, constitue un relais d’influence crucial pour peser sur l’agenda politique national. Ce discours parisien s’apparente ainsi à un coup de projecteur médiatique savamment calibré.
Reste que cette tentative de réconciliation sélective soulève autant d’espoirs que de scepticismes. Les blessures de l’affaire Nangaa – symbole pour beaucoup des dérives électorales passées – sont-elles vraiment cicatrisées ? L’avenir dira si cette main tendue relève du calcul électoraliste ou d’une véritable vision transformatrice. Une chose est sûre : en jouant les équilibristes entre pardon politique et fermeté idéologique, Martin Fayulu place la barre haut pour ses concurrents. Le prochain acte de ce feuilleton politique se jouera peut-être dans les coulisses feutrées des négociations intercongolaises, loin des caméras de la diaspora.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net