Dans la nuit du 1er mai, Kinshasa a vécu un cauchemar liquide. Des trombes d’eau – équivalent à deux mois de précipitations – ont transformé les ruelles de Kindibula en torrents déchaînés, arrachant maisons et espoirs au passage. Le quartier de Mont Ngafula, déjà vulnérable, se réveille avec les stigmate d’une catastrophe annoncée : 150 familles sans toit, des enfants dormant sur des matelas de boue, des rues devenues des cicatrices remplies de gravats.
« L’eau est arrivée comme un voleur », murmure un père de famille, les pieds encore couverts de limon. Les habitations accrochées aux flancs de ravin n’ont pas tenu face à la pression des flots. Un phénomène devenu chronique dans ces zones où l’urbanisation sauvage épouse la topographie meurtrie de la capitale congolaise.
Derrière le drame immédiat se cache un malaise structurel. Les habitants pointent du doigt l’avenue Elengesa, artère devenue symbole de négligence. « Les canalisations sont des vestiges », accuse une habitante. Les eaux de ruissellement, privées de voie d’évacuation, se transforment en armée destructrice à chaque saison des pluies.
Une tragédie en trois actes : précarité des constructions, drainage défaillant, réponse humanitaire tardive. La panne d’électricité généralisée plonge le quartier dans une obscurité qui dépasse le simple noir : sans réfrigérateurs ni lampes, la survie quotidienne devient casse-tête.
Les experts environnementaux tirent la sonnette d’alarme depuis des années. « Kinshasa mange sa ceinture verte », déplore un urbaniste contacté par nos soins. Les collines de Mont Ngafula, autrefois régulateurs naturels du climat urbain, sont grignotées par des habitats précaires. Conséquence : en cinq ans, la fréquence des inondations a bondi de 40% dans ce secteur.
La colère des habitants mêle détresse et lucidité. « Nous ne voulons pas juste des couvertures, mais des solutions ! », clame un jeune leader communautaire. Les revendications ciblent trois urgences : réhabilitation des drains, relogement des zones à risque, plan d’urbanisme contraignant. Un triptyque qui butte sur les réalités économiques et politiques.
Et maintenant ? Les organisations locales tentent d’organiser la solidarité, mais les besoins dépassent les moyens. Un centre d’hébergement temporaire accueille déjà 70 personnes, chiffre qui double chaque heure. La Croix-Rouge alerte sur les risques sanitaires : choléra, paludisme et infections cutanées guettent une population exsangue.
Cette catastrophe pose une question brûlante : Kinshasa peut-elle continuer à ignorer les lois de la nature ? Combien de vies devront encore être englouties avant que les autorités ne transforment l’essai ? Les solutions existent – bassins de rétention, reboisement des bassins versants, normes de construction adaptées – mais manquent cruellement de volonté politique.
Alors que le soleil revient sur Kindibula, il éclaire une vérité crue : chaque goutte de pluie devient ici miroir grossissant des fractures urbaines. La résilience des habitants force l’admiration, mais ne doit pas servir d’alibi à l’inaction. Car le prochain déluge n’est qu’une question de temps…
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: Actualite.cd