Les images sont apocalyptiques. À Maman Mobutu, dans la commune de Mont-Ngafula, des familles errent parmi les décombres de leurs maisons, sous le regard menaçant de poteaux électriques penchés comme des soldats blessés. « Les eaux entraient avec une pression incroyable… », murmure une mère de famille, les mains tremblantes. Son récit, entrecoupé de silences lourds, résume le cauchemar vécu par des centaines d’habitants après la pluie diluvienne du 1er avril.
Derrière chaque mur effondré se cache une histoire de survie. Monsieur Teka, habitant du quartier, pointe du doigt l’avenue Elengesa : « Les caniveaux trop étroits, les canalisations bouchées… C’était une bombe à retardement. » Son explication technique ne parvient pas à masquer la colère dans sa voix. Comment en est-on arrivé là, dans une ville qui se veut capitale d’un État moderne ?
Les chiffres donnent le vertige : six maisons détruites selon le chef de quartier Ekwiga, des dizaines de familles sinistrées, des avenues transformées en ravins. Mais derrière les statistiques, c’est tout un système qui vacille. La route Bypass, censée protéger, est devenue complice du désastre avec ses tranchées béantes livrant passage aux flots destructeurs.
« Nous avons tout perdu », soupire une victime devant les débris de son hangar écrasé. Cette phrase, maintes fois répétée, résonne comme un cri d’alarme. Les autorités locales organisent des recensements, mais les habitants attendent plus que des listes : où étaient les travaux de prévention ? Pourquoi les infrastructures résistent-elles moins que la patience des citoyens ?
Le drame de Maman Mobutu n’est pas qu’une fatalité météorologique. C’est le résultat d’années de négligence dans l’aménagement urbain, de canalisations construites au rabais, de plans d’urbanisme bafoués. Chaque goutte de pluie vient rappeler cruellement ce paradoxe : une ville qui grandit, mais qui ne protège pas ses enfants.
Alors que les sinistrés tentent de récupérer leurs biens dans la boue, une question brûle les lèvres : jusqu’à quand Kinshasa restera-t-elle prisonnière de ses propres contradictions ? Entre expansion démographique galopante et infrastructures défaillantes, la capitale congolaise marche sur un fil. Le quartier Maman Mobutu, aujourd’hui, incarne le prix humain de cet équilibre précaire.
Cette catastrophe pose un défi de taille aux décideurs : transformer l’urgence humanitaire en opportunité de reconstruction durable. Car derrière les murs effondrés, c’est la confiance des citoyens dans les institutions qu’il faut rebâtir. L’enjeu dépasse la simple réparation des caniveaux – il s’agit rien de moins que de redéfinir le contrat social entre l’État et ses administrés.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd