En cette Journée nationale de l’enseignement célébrée ce 30 avril 2025, un constat amer s’impose : le système éducatif congolais traverse une crise systémique. Alors que le pays commémore théoriquement l’engagement des enseignants, la synergie des syndicats du secteur dresse un bilan accablant. Entre salaires impayés, disparités criantes et conditions de travail indignes, comment expliquer qu’une profession si vitale soit traitée avec autant de désinvolture ?
La situation la plus alarmante concerne les enseignants des zones de conflit. Jean Bosco Puna, secrétaire général du SYNECTAT, révèle une réalité choquante : « Depuis janvier 2025, ces héros de l’ombre n’ont reçu ni salaire ni prime, alors qu’ils continuent à assurer les cours dans des conditions inhumaines ». Une situation qui pose une question cruciale : comment maintenir la qualité de l’éducation dans des régions où les enseignants luttent pour leur survie ?
Le malaise dépasse les seules zones en guerre. La synergie syndicale pointe du doigt un système de rémunération « injuste et archaïque ». Entre les disparités salariales Nord-Kivu/Kinshasa, les primes fantômes et le non-alignement des statuts NP/NU, les inégalités créent un climat délétère. Un professeur de mathématiques à Goma témoigne sous anonymat : « Mon collègue de la capitale gagne trois fois mon salaire pour le même travail. Comment voulez-vous que nous restions motivés ? ».
La réforme promise du système de rémunération traîne dangereusement. Les syndicats dénoncent la non-convocation des commissions techniques chargées d’élaborer un modèle plus équitable. Pourtant, l’enjeu est capital : selon une étude de la Banque mondiale, un système éducatif performant pourrait booster le PIB congolais de 2% annuellement. Mais comment y parvenir sans résoudre d’abord la crise de confiance entre enseignants et État ?
Les prochaines épreuves certificatives s’annoncent sous haute tension. Les syndicats exigent le rétablissement des prérogatives de l’Inspection générale et le paiement des arriérés de primes. Un inspecteur provincial lance un cri d’alarme : « Sans moyens, comment garantir l’intégrité des examens ? Nous risquons une génération sacrifiée ». La question de la MESP (Masse salariale État-Province) complique davantage ce tableau déjà sombre.
Symbolique amère : cette journée nationale n’a pu être célébrée dans l’Est du pays en raison des conflits armés. Un paradoxe cruel pour ces régions où l’école reste le dernier rempart contre l’enrôlement des enfants par les milices. Les dernières statistiques du ministère sont éloquentes : 12% des écoles fermées au Nord-Kivu, 30 000 enseignants affectés par la crise.
Face à cette urgence nationale, les syndicats lancent un ultimatum au gouvernement : régularisation des salaires avant les évaluations de fin d’année, réforme immédiate du statut des enseignants et résolution de la quadrature MESP. Le compte à rebours est enclenché. La crédibilité du système éducatif – et à travers lui, l’avenir de millions de jeunes Congolais – se joue dans les prochaines semaines.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd