Dans l’arène diplomatique où se joue l’avenir de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), Doha s’impose une fois de plus comme le théâtre d’une médiation aux contours aussi ambitieux que fragiles. La réunion trilatérale du 18 mars, suivie de celle du 30 avril regroupant des représentants de la RDC, du Rwanda, du Qatar, mais aussi des États-Unis, de la France et du Togo, dessine une cartographie complexe d’alliances et de défiances. Derrière les déclarations consensuelles sur la « paix durable » et le « développement économique », se cachent des enjeux géostratégiques où chaque acteur avance ses pions avec une prudence calculée.
Le communiqué du ministère qatari des Affaires étrangères, sobre dans sa formulation, ne masque qu’à peine l’urgence d’une situation humanitaire qui exsude depuis des décennies. Les participants ont salué la récente déclaration conjointe entre Kinshasa et l’AFC-M23, engageant les parties à un cessez-le-feu « priorité immédiate ». Mais à quel prix cette trêve, présentée comme une avancée, parviendra-t-elle à endiguer la spirale de violences ? L’accord signé à Washington le 25 avril, bien que qualifié de « significatif », ressemble à un énième paraphe dans un dossier où les signatures s’accumulent plus vite que les résultats.
La rhétorique onusienne sur la « souveraineté » et l’« intégrité territoriale » des États sonne comme un leitmotiv usé aux oreilles des populations du Kivu. Les représentants réaffirment leur attachement à ces principes, mais l’histoire récente de la région enseigne que les frontières congolaises ont souvent été poreuses aux influences étrangères. Le Rwanda, régulièrement accusé par Kinshasa de soutenir les rebelles du M23, joue désormais les partenaires constructifs à Doha. Stratégie de désengagement ou manœuvre d’apaisement temporaire ? La question plane, intacte, sur les discussions.
Le Qatar, quant à lui, consolide son rôle de médiateur incontournable en Afrique des Grands Lacs. Son approche, mêlant diplomatie économique et neutralité affichée, lui permet de naviguer entre les intérêts divergents de Washington, Paris et Kigali. Mais derrière cette neutralité se profile un soft power dont les ressorts – investissements, accords bilatéraux – pourraient bien redessiner les équilibres régionaux. La France, en retrait relatif depuis le réchauffement Kinshasa-Paris, observe ces dynamiques avec une attention particulière.
Reste la situation humanitaire, évoquée en termes laconiques dans le communiqué. « Réponse urgente et coordonnée » : l’expression, maintes fois ressassée, peine à traduire l’ampleur d’une crise où 6 millions de déplacés survivent dans l’indifférence intermittente de la communauté internationale. Les promesses d’acheminement d’aide, conditionnées à un cessez-le-feu hypothétique, rappellent cruellement le cycle infernal entre escalade militaire et urgence humanitaire.
Au-delà des déclarations optimistes, Doha aura-t-il plus de succès que les initiatives précédentes ? Les parties prenantes semblent conscientes des écueils : la méfiance historique entre Kinshasa et Kigali, la fragmentation des groupes armés, l’exploitation illégale des ressources. Pour éviter un nouvel enlisement, les médiateurs devront transformer les engagements de principe en mécanismes vérifiables – surveillance du cessez-le-feu, désarmement effectif, dialogue inclusif avec les communautés locales. Un agenda aussi titanesque que nécessaire, dans une région où la paix a trop souvent été un intervalle entre deux guerres.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net