Dans le groupement Kamuronza, territoire de Masisi au Nord-Kivu, le retour des déplacés se transforme en cauchemar. « Nous sommes revenus les mains vides. Pas de toit, pas de champs, pas d’espoir », murmure une mère de cinq enfants, assise sur les ruines de sa maison calcinée. Trois ans après avoir fui les violences du M23, ces familles tentent de reconstruire leur vie sur des cendres encore chaudes.
Batachoka Douglas, notable local, dresse un tableau glaçant : « Leur retour est un leurre. Comment survivre sans semences, sans outils, sans même un abri contre la pluie ? » Ses mots résonnent comme une accusation face à l’indifférence. Les cases détruites par les obus côtoient des champs en friche où rôde la faim. La rébellion a laissé derrière elle un désert agricole – 87% des plantations selon les estimations locales – plongeant la région dans une insécurité alimentaire aiguë.
Pendant ce temps, à quelques kilomètres de là, les armes grondent toujours. Les villages de Bibatama, Luke et Mungote tremblent sous les assauts répétés entre le M23 et les Wazalendo. Cette escalade violence Nord-Kivu verrouille l’accès humanitaire, isolant davantage les survivants. « Chaque explosion nous rappelle que la paix reste fragile », soupire un ancien professeur devenu cultivateur par nécessité.
Le drame de Kamuronza cristallise l’échec des mécanismes de réinsertion. Aucun programme structuré ne soutient ces populations ballottées entre guerre et oubli. Les appels aux semences agricoles et au matériel aratoire restent lettres mortes. Pire : la recrudescence des combats dans l’est de la RDC risque de provoquer une nouvelle vague de déplacés, alourdissant le bilan d’une crise humanitaire qui dure depuis près d’une décennie.
Comment expliquer ce silence assourdissant autour de leur détresse ? Les partenaires internationaux, souvent prompts à financer l’urgence, brillent par leur absence dans l’accompagnement post-conflit. Une aberration quand on sait que 64% des retournés dépendent entièrement de l’aide extérieure pour survivre selon les dernières enquêtes terrain.
La résilience des femmes du Masisi force pourtant l’admiration. Certaines ont transformé des bidons en fourneaux de fortune, d’autres tissent des toits de fortune avec des feuilles de bananier. Mais ces efforts héroïques ne suffiront pas. Sans soutien massif en intrants agricoles et en matériaux de construction, tout retour durable relève de l’utopie.
Cette situation pose une question cruciale : la communauté internationale a-t-elle déjà enterré les victimes collatérales de ce conflit oublié ? Alors que les Actualités RDC relaient quotidiennement les soubresauts politiques de Kinshasa, le drame silencieux des campagnes du Nord-Kivu peine à trouver écho. Pourtant, chaque famille non réinstallée constitue une bombe sociale à retardement. L’histoire nous a appris que la misère nourrit les révoltes…
Aujourd’hui plus que jamais, l’urgence est double : stopper l’hémorragie sécuritaire tout en pansant les plaies économiques. Car sans justice sociale, comment bâtir une paix durable dans cette région meurtrie ? Le sort des retournés de Kamuronza sonne comme un avertissement : en RDC, l’après-guerre pourrait être plus meurtrier que le conflit lui-même.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
