À Bukavu, la détresse des enseignants retraités prend une tournure dramatique. Deux cent cinquante anciens éducateurs du Sud-Kivu, ayant consacré leur vie à former la jeunesse congolaise, se retrouvent privés de leurs pensions pour les mois de février et mars. La raison ? La fermeture des banques suite à l’occupation de la ville par les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda. Une situation qui plonge ces retraités dans une précarité insoutenable.
« Sur 245 enseignants retraités de la province du Sud-Kivu, tous issus de l’enseignement primaire, une soixantaine affiliée à la TMB n’a pas encore touché ses pensions des mois de février et mars 2025. Ces enseignants retraités souffrent de famine et manquent de soins médicaux », témoigne Ngandira Joseph, président de l’Association des enseignants retraités (AERSKI). Le tableau qu’il dresse est alarmant : des personnes âgées, déjà vulnérables, confrontées à la faim et à l’impossibilité de se soigner.
Comment en est-on arrivé là ? La réponse se trouve dans les particularités du système de paiement. Contrairement à d’autres établissements bancaires comme Raw Bank, FBN Bank, BOA ou Equity Bank qui ont pu verser les pensions via des canaux numériques, la TMB, succursale de Bukavu, fonctionne principalement par retrait aux guichets. Or, la majorité de ces enseignants ne disposent pas de cartes bancaires, les rendant dépendants des agences physiques – fermées en raison de l’insécurité.
Cette crise met en lumière une faille béante dans le système de protection sociale en RDC. Alors que le pays fait face à des défis sécuritaires récurrents dans l’Est, aucune solution alternative robuste n’a été mise en place pour assurer la continuité des paiements essentiels. L’AERSKI lance un appel pressant à la Caisse nationale de sécurité sociale des agents publics de l’État pour trouver des solutions palliatives. Mais le temps presse : chaque jour sans pension est un jour de trop pour ces anciens bâtisseurs de la nation.
La situation interpelle sur plusieurs niveaux. D’abord, la vulnérabilité accrue des retraités en période de crise. Ensuite, l’urgence de digitaliser les services sociaux de base pour les rendre résilients face aux chocs. Enfin, la responsabilité de l’État à protéger ceux qui ont servi le pays. Alors que les actualités en RDC sont souvent dominées par les enjeux politiques et sécuritaires, le drame silencieux de ces enseignants oubliés rappelle que les crises ont toujours un visage humain.
Dans une région où les défis sécuritaires persistent, cette affaire pose une question fondamentale : jusqu’à quand laissera-t-on ceux qui ont bâti l’avenir du pays sombrer dans l’indignité ? Alors que la communauté internationale suit les développements politiques et militaires en RDC, qui se soucie du sort de ces héros ordinaires de l’éducation congolaise ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net