La République démocratique du Congo fait face à une menace sécuritaire d’une nature nouvelle et particulièrement inquiétante à l’Ouest du pays. Le phénomène « Mobondo », longtemps relégué au second plan derrière les conflits de l’Est, prend une ampleur inédite et franchit un seuil critique. Des provinces du Kwilu, du Kwango, du Maï-Ndombe et du Kongo-Central jusqu’aux portes de la capitale, cette crise se transforme sous les yeux d’une nation en alerte.
L’armée congolaise elle-même a opéré un changement sémantique significatif. Elle ne parle plus de simple « milice », mais désormais ouvertement de « rébellion ». Cette évolution de langage, portée par le porte-parole des opérations « Ngama », le capitaine Anthony Mwalushayi, témoigne d’une prise de conscience aiguë de la gravité de la situation. Le mouvement ne se limite plus à des attaques sporadiques. Il s’installe durablement, occupe des villages, chasse les populations autochtones et rebaptise des localités, cherchant à imposer une nouvelle réalité territoriale.
Mais la dimension la plus alarmante de cette montée en puissance de la milice Mobondo réside dans les accusations portées par les autorités militaires. Pour la première fois de manière aussi frontale, l’armée évoque des « soutiens provenant de proches du pouvoir ». Ces révélations, faites publiquement devant la presse à Kikwit le 28 décembre, jettent une lumière crue sur la possible dimension politique du conflit. L’insécurité Ouest RDC ne serait donc pas uniquement le fait de groupes armés marginaux, mais pourrait être alimentée, voire pilotée, depuis des cercles influents.
Qui sont ces soutiens en arrière-plan ? Quels objectifs poursuivent-ils en favorisant l’instabilité dans des régions stratégiques ? Ces questions brûlantes hantent les analystes et la population. Les déclarations du capitaine Mwalushayi ont été d’une fermeté inhabituelle, traçant une ligne rouge infranchissable : « Quels que soient les caprices, quels que soient les messages qu’ils peuvent partager pour amener les autorités à se désengager de ces opérations, l’armée va traquer jusqu’au dernier Mobondo. » Un message clair adressé à la fois aux rebelles et à leurs éventuels protecteurs.
La situation sur le terrain confirme ces alertes. Dans le territoire de Kwamouth, province du Maï-Ndombe, les Forces armées de la RDC ont documenté une dynamique « particulièrement préoccupante ». La rébellion y a établi des positions fixes, déplaçant des chefs coutumiers et modifiant la donne démographique et identitaire. Pis encore, des liens opérationnels avec des groupes rebelles actifs dans l’Est du pays sont suspectés, créant un axe de déstabilisation qui traverserait le pays d’un bout à l’autre.
Cette convergence des menaces place l’État congolais devant un défi existentiel. La capacité des institutions à garantir la sécurité nationale et l’intégrité du territoire est ouvertement mise à l’épreuve. Alors que la violence se rapproche dangereusement de Kinshasa, la menace Kinshasa devient tangible. La capitale, siège des institutions, pourrait-elle être visée ? La porosité entre le monde politique et les milices armées représente-t-elle le plus grand danger pour la cohésion nationale ?
Les journaux kinois, unanimes, soulignent le caractère gravissime de cette escalade. Ce qui était perçu comme une crise localisée assume désormais une dimension institutionnelle majeure. Les soutiens politiques Mobondo, s’ils sont avérés, signifieraient que l’ennemi n’est plus seulement à la périphérie, mais peut-être aussi au cœur du système. L’armée, par sa prise de parole publique, semble déterminée à prévenir toute instrumentalisation politique de la crise sécuritaire.
Le bilan est sans appel : des vies perdues, des milliers de déplacés, une autorité de l’État contestée sur des portions entières de son territoire. La réponse militaire, bien que fermement annoncée, pourra-t-elle suffire face à un phénomène aux ramifications potentielles si profondes ? La communauté nationale attend désormais des actes à la hauteur des déclarations. La traque annoncée contre les Mobondo sera-t-elle étendue à leurs éventuels commanditaires ? La suite des événements dans les prochaines semaines sera cruciale pour l’avenir de la stabilité dans l’Ouest du pays et au-delà.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
