Un silence lourd pèse sur les collines de Bule, dans le territoire de Djugu. Une urgence humanitaire, ignorée et silencieuse, s’y développe à grande vitesse. La société civile locale lance un cri d’alarme déchirant : des dizaines de milliers de civils sont pris au piège, sans échappatoire, après la reprise violente des affrontements entre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les rebelles de la Convention pour la Révolution Populaire (CRP).
Comment en est-on arrivé là ? Les premiers combats ont éclaté le 5 décembre, transformant cette localité en champ de bataille. Depuis, près de 150 000 personnes – un chiffre qui donne le vertige – ont tout abandonné. Autochtones, déplacés internes déjà fragilisés par des années de conflits, et familles qui venaient à peine de rentrer chez elles, ont trouvé un refuge précaire aux abords de la base des soldats ougandais à Bule. Mais ce refuge n’offre aucune protection contre la faim, la soif et la maladie.
Les conditions de vie sont apocalyptiques. Des hommes, des femmes et des enfants dorment à la belle étoile, sans le moindre abri pour les protéger des intempéries nocturnes de l’Ituri. L’accès à l’eau potable est un mirage. Les latrines sont inexistantes, créant un terreau fertile pour les épidémies. La nourriture se fait cruellement rare, et les centres de santé, quand ils existent encore, sont hors d’atteinte ou ont été pillés. La vulnérabilité des enfants et des personnes âgées atteint des niveaux critiques. Cette crise humanitaire à Ituri prend, à Bule, les traits d’une catastrophe annoncée.
« La population est en danger immédiat », alerte avec une voix empreinte d’épuisement Désiré Malodra, président de la société civile de Bule. « Les gens survivent, ils ne vivent pas. Ils dorment dehors, sans la moindre assistance. Si un couloir humanitaire n’est pas ouvert de toute urgence, nous allons assister à une hécatombe. La faim, le choléra, la malaria… les drames humains vont se multiplier. » Son appel est un SOS lancé à la communauté nationale et internationale. L’ouverture d’un couloir humanitaire sécurisé vers Bule n’est plus une option, mais une question de vie ou de mort pour des milliers de personnes.
Les combats à Bule, d’une violence extrême, ont déjà causé des pertes civiles. Les affrontements de la semaine dernière entre les FARDC et la CRP ont été particulièrement meurtriers. Des tirs nourris et des échanges d’artillerie ont fait au moins deux morts, dont un enfant innocent, et quatre blessés par balles perdues. Ces victimes ne sont que la partie émergée de l’iceberg d’une souffrance bien plus large. Chaque heure qui passe sans accès à l’aide aggrave le bilan.
La situation crée un paradoxe tragique. Les civils sont bloqués entre deux feux : la menace directe des combats et l’asphyxie lente due au manque de tout. Les humanitaires, de leur côté, sont dans l’incapacité physique d’accéder à la zone, les routes étant soit contrôlées par des groupes armés, soit le théâtre d’accrochages imprévisibles. Ce blocus de fait condamne une population entière. L’établissement d’un couloir humanitaire en RDC pour desservir Bule et ses environs devient la priorité absolue pour briser cet isolement mortifère.
Que faire face à une telle inertie ? La société civile de Bule ne baisse pas les bras. Elle multiplie les plaidoyers, pressant les autorités provinciales et nationales, ainsi que la MONUSCO, d’intervenir pour sécuriser un accès. Elle appelle à une trêve humanitaire immédiate, ne serait-ce que de quelques heures, pour permettre l’évacuation des blessés et la distribution des premiers secours. Le temps est compté. La résilience des populations, déjà mise à rude épreuve par des années de conflits en Ituri, atteint ses limites.
Alors que les regards sont souvent tournés vers d’autres foyers de tension dans l’Est du Congo, le drame qui se joue à Bule rappelle une réalité crue : les conflits armés ont toujours un visage humain. Derrière les termes « affrontements FARDC-CRP » ou « accrochages », se cachent des familles qui fuient, des enfants qui pleurent de faim, des vieillards qui se meurent en silence. L’appel lancé depuis Bule est plus qu’une demande d’aide ; c’est un test pour la conscience collective. La réponse, ou son absence, dira beaucoup de notre capacité à protéger les plus vulnérables au cœur de la tourmente.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
