Dans un contexte de crise multiforme qui ébranle les fondements de la République Démocratique du Congo, l’appel à l’unité nationale ressurgit avec insistance sur la scène politique. Le sénateur Salomon Idi Kalonda a récemment lancé un plaidoyer, via les réseaux sociaux, enjoignant ses concitoyens à transcender leurs divisions pour affronter les “problèmes très graves” du pays. Cet appel, teinté d’une analogie sportive mobilisatrice, n’est pas fortuit. Il intervient en écho direct aux déclarations de Moïse Katumbi, prononcées lors du sixième anniversaire de son parti, Ensemble pour la République, où ce dernier a érigé le dialogue politique inclusif en seul remède crédible à la crise RDC.
Mais derrière cette rhétorique consensuelle se cachent des réalités politiques autrement plus complexes. L’invocation des Léopards, équipe nationale de football capable de soulever une nation entière, sert de miroir aux ambitions politiques : si le sport parvient à unir, pourquoi la politique échouerait-elle ? La question, posée par Salomon Idi Kalonda, sonne comme une critique voilée de l’impuissance de la classe dirigeante. Elle interroge la capacité des acteurs à dépasser leurs intérêts catégoriels pour œuvrer à l’unité Congo tant vantée. Dans un pays où les fractures sont autant ethniques que géopolitiques, cet appel à la communion relève-t-il de l’utopie ou d’une stratégie calculée ?
La proposition de Moïse Katumbi, leader d’Ensemble pour la République, apporte une première réponse concrète, mais non moins polémique. Préconiser un dialogue associant gouvernement, opposition non armée, AFC/M23 et société civile, sous l’égide de la CENCO-ECC, c’est reconnaître l’étendue de la fragmentation et la nécessité d’inclure des acteurs controversés. Cette architecture dialogueiste ambitieuse vise à jeter les bases de crise RDC solutions durables. Cependant, elle soulève immédiatement des questions sur sa faisabilité. Le pouvoir en place est-il prêt à un tel niveau d’inclusivité, notamment avec des groupes armés ? L’opposition parlementaire acceptera-t-elle de siéger à la même table que des mouvements qui défient l’autorité de l’État par les armes ?
L’annonce parallèle de la mise en place d’un “directoire national” par Katumbi ajoute une couche supplémentaire à ce puzzle politique. Ce dispositif, présenté comme un organe de mobilisation pacifique pour la liberté et la démocratie, peut être interprété de deux manières. Soit il s’agit d’une structure interne au parti visant à consolider sa base en vue des prochains scrutins. Soit il constitue les prémisses d’une plateforme élargie de l’opposition, un contre-pouvoir structuré face à la majorité présidentielle. Dans les deux cas, cela témoigne d’une volonté de donner une traduction organisationnelle aux appels à l’unité Congo, dépassant le simple slogan.
L’initiative de Salomon Idi Kalonda, bien que distincte, s’inscrit dans cette même dynamique de recherche de convergence. En tant que sénateur, son statut lui confère une certaine autorité morale pour lancer un tel appel. Pourtant, son timing, au lendemain de l’anniversaire d’un parti d’opposition majeur, ne peut être considéré comme une coïncidence. Cela ressemble à une tentative de capter l’élan généré par Katumbi pour l’élargir à une audience plus large, transcendant les affiliations partisanes. Est-ce le signe d’un rapprochement tactique entre différentes franges de l’opposition, ou simplement un discours opportuniste dans un paysage saturé ?
La balle est désormais dans le camp des institutions. La réponse du gouvernement à ces propositions de dialogue politique RDC sera un indicateur clé de sa volonté réelle de désamorcer la crise. L’histoire récente du pays est jalonnée de dialogues ayant accouché de compromis fragiles. Le défi, cette fois, est d’éviter le scénario d’un monologue déguisé ou d’une table ronde excluant les véritables pourvoyeurs d’instabilité. La crédibilité du processus dépendra de son impartialité et de sa capacité à aborder les vrais dossiers : la sécurité dans l’Est, la légitimité électorale, et le partage équitable des ressources.
En définitive, les appels répétés à l’unité et au dialogue révèlent une prise de conscience aiguë de la gravité de la situation. Ils mettent également en lumière l’incapacité persistante des élites à traduire ces belles paroles en actions concrètes. Salomon Idi Kalonda et Moïse Katumbi jouent un rôle de catalyseurs, mais le changement qu’ils appellent de leurs vœux nécessitera bien plus qu’un tweet ou un discours d’anniversaire. Il exigera un courage politique dont la rareté, jusqu’à présent, a été la principale caractéristique de la gestion de la crise RDC. Le prochain enjeu est simple : ces appels vont-ils rester des vœux pieux, ou devenir le point de départ d’une reconfiguration historique du jeu politique congolais ? L’avenir immédiat de la nation en dépend.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
