Dans un contexte marqué par une insécurité persistante à l’Est du pays, le traditionnel message de fin d’année du couple présidentiel a pris des allures de discours d’état-major teinté d’appels à la résilience. Mercredi soir, le président Félix Tshisekedi, aux côtés de son épouse Denise Nyakeru, a adressé à la nation un message de vœux dont le sous-texte politique est aussi dense que les souhaits formulés. Le chef de l’État a choisi de placer son allocution sous le signe du combat pour l’intégrité territoriale, rendant un hommage appuyé aux populations des zones sous occupation, aux Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et aux groupes d’autodéfense Wazalendo. Une manière de rappeler, en cette période de célébrations, que la guerre demeure la toile de fond quotidienne d’une partie du pays.
L’hommage présidentiel aux FARDC et Wazalendo, acteurs centraux de la résistance face aux groupes armés, n’est pas anodin. Il intervient dans un climat où les critiques sur l’efficacité des opérations militaires et les pertes humaines se font de plus en plus audibles. En érigeant ces combattants en symboles de la défense nationale, Félix Tshisekedi tente-t-il de ressouder un front interne parfois fissuré par les doutes et les controverses ? Le discours semble viser autant l’opinion publique congolaise que les partenaires internationaux, rappelant le prix du sang payé pour la souveraineté. Cependant, cet éloge des combattants soulève une question sous-jacente : jusqu’à quand la nation devra-t-elle compter sur la résilience de ses enfants et le sacrifice de ses soldats pour maintenir son intégrité ?
Pour sa part, la Première dame Denise Nyakeru a apporté une tonalité différente, mais complémentaire, en insistant sur les vertus civiles de l’espoir et de la solidarité. Son appel à « consoler tant soit peu les familles éprouvées » résonne comme un constat implicite de l’immense souffrance sociale générée par les conflits. Son plaidoyer pour la solidarité nationale cherche visiblement à transcender les clivages et à jeter les bases d’un soutien collectif aux victimes. Cette prise de parole, de plus en plus structurée, interroge sur le rôle politique qu’elle entend incarner : celui d’une consolatrice des blessures d’une nation en crise ou d’une actrice à part entière dans la gestion des conséquences humanitaires de la guerre ?
Le cœur du message présidentiel a toutefois résidé dans un appel solennel à la cohésion nationale et à l’unité. « Pour un Congo plus fort », a martelé Félix Tshisekedi, faisant de cette union la condition sine qua non de toute sortie de crise. Cet appel récurrent dans la rhétorique du pouvoir prend une saveur particulière à l’approche d’une année qui s’annonce chargée sur le plan politique et sécuritaire. Le président joue-t-il ainsi sa crédibilité sur sa capacité à unifier un pays fragmenté, ou cet appel à l’unité masque-t-il la difficulté à produire des résultats tangibles sur le terrain ? La cohésion nationale invoquée se heurte en effet à la réalité d’un Est miné par la violence, d’un tissu social distendu et de critiques politiques virulentes.
Derrière les vœux de paix et de prospérité, ce message de fin d’année apparaît donc comme un exercice d’équilibre délicat. Il s’agit à la fois de reconnaître la gravité de la situation sécuritaire – notamment l’occupation d’une partie du territoire –, de célébrer les efforts de résistance, et de projeter une image de leader rassembleur porteur d’espoir. La présence conjointe du président et de la Première dame, Denise Nyakeru, dans ce cadre solennel, participe de cette mise en scène de l’unité et de la compassion de l’exécutif.
Quelles sont dès lors les implications politiques de ce double discours, entre hommage guerrier et appel à la solidarité ? D’une part, il ancre la légitimité du président dans son rôle de chef des armées et de garant de l’unité face à l’adversité. D’autre part, il tente de préparer le terrain moral et psychologique de la nation à une prolongation des épreuves, en mobilisant les ressorts de la résilience collective. Le risque pour Félix Tshisekedi est que ces paroles, si elles ne sont pas suivies d’avancées concrètes vers la paix et la réunification effective du pays, ne soient perçues à terme comme un vœu pieux de plus. L’année à venir sera cruciale pour juger si l’appel à la cohésion nationale a pu transcender les divisions ou s’il est resté un simple élément de langage dans un pays en quête de véritables solutions.
En définitive, le message de vœux du couple présidentiel a moins été une célébration des accomplissements passés qu’une tentative de mobilisation pour les défis à venir. Entre les lignes de l’hommage aux forces de défense et de l’appel à l’unité, se dessine la stratégie d’un pouvoir qui cherche à maintenir son capital politique en capitalisant sur le patriotisme et la fibre sociale. L’efficacité de cette stratégie dépendra de la capacité des FARDC et des Wazalendo à inverser durablement le rapport de force sur le terrain, et de celle du gouvernement à traduire la solidarité invoquée par la Première dame en actions palpables pour les millions de Congolais affectés par la crise. Le prochain message de vœux permettra de mesurer le chemin parcouru, ou l’écart grandissant, entre les aspirations exprimées et la réalité vécue par la population.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
