La République Démocratique du Congo est sous le choc d’une décision ministérielle qui vient de paralyser un pan entier de son économie informelle. Par un arrêté daté du 19 décembre, le ministre national des Mines, Louis Watum Kabamba, a ordonné la suspension des mines artisanales et de la commercialisation du cuivre et du cobalt sur l’ensemble du territoire national. Cette mesure, aussi radicale qu’inattendue, jette une ombre sur la survie de milliers de familles et pose une équation complexe entre régulation étatique et réalité socio-économique.
Quelles sont les véritables motivations derrière cette décision qui frappe de plein fouet le cuivre cobalt exploitation artisanale ? Selon les termes de l’arrêté, le gouvernement entend mettre un terme aux transactions jugées illicites et à l’envahissement des périmètres miniers par des exploitants clandestins. Le secteur, souvent décrit comme une « jungle économique », serait ainsi mis sous tutelle pour permettre un assainissement et une meilleure traçabilité des minerais. Cette justification administrative cache cependant une réalité bien plus complexe et des conséquences humaines immédiates.
À Kolwezi, épicentre de l’exploitation artisanale dans le Lualaba, l’arrêté a eu l’effet d’une bombe. Mutra Mutunda, président provincial du Réseau des négociants miniers du Congo (RENEMICO), tire la sonnette d’alarme : « Si les creuseurs artisanaux ne travaillent plus, il y aura des tensions sociales. Nous sommes face à une équation compliquée, nous ne savons pas quoi faire. Le jour où l’arrêté ministériel a été publié, les mouvements ont été interrompus dans les carrières, tous les services ne fonctionnent plus, même les négociants ont arrêté le travail ». Cette voix porte l’écho de toute une chaîne économique informelle qui, du creuseur au négociant, voit ses moyens de subsistance brutalement suspendus.
L’impact économique de cette suspension est comparable à un gel soudain d’une artère vitale. L’exploitation artisanale, bien que souvent informelle, constitue un moteur économique essentiel pour des régions entières. Elle représente non seulement une source de revenus directs pour des dizaines de milliers de personnes, mais aussi une économie parallèle qui alimente les commerces locaux, les transports et les services. Sa paralysie risque de créer un effet domino dévastateur, augmentant la précarité dans des zones déjà fragiles. Comment concilier la nécessaire régulation avec l’impératif de survie économique ?
Face à la grogne montante, le ministre Louis Watum Kabamba a tenté d’apaiser les esprits en promettant la création de 64 zones d’exploitation artisanale Lualaba. Ce projet de ZEA (Zones d’Exploitation Artisanale) est présenté comme la solution structurelle pour légaliser et encadrer l’activité. Le processus d’octroi de ces zones serait en cours, laissant entrevoir une possible sortie de crise. Cependant, le flou persiste sur les délais de mise en œuvre et les critères d’attribution, laissant les acteurs du secteur dans une incertitude anxiogène. Cette période de transition risque d’être longue et douloureuse pour des familles qui vivent au jour le jour.
Cette crise met en lumière les contradictions profondes du modèle économique minier congolais. D’un côté, un État qui cherche à reprendre le contrôle de ses ressources et à lutter contre la fraude. De l’autre, une réalité sociale où l’exploitation artisanale reste souvent la seule alternative à la pauvreté. La suspension brutale, sans filet social, illustre le fossé qui peut exister entre les décisions administratives et leur application sur le terrain. L’arrêté signé par Louis Watum Kabamba arrêté comme levier de régulation pourrait-il, en réalité, nourrir l’informel qu’il prétend combattre en poussant les activités vers une clandestinité encore plus profonde ?
À plus long terme, cette décision interroge la stratégie globale de la RDC dans la gestion de ses ressources minières. Le pays, qui aspire à une industrialisation de son secteur minier, est confronté à la difficile intégration de l’artisanat dans ce modèle. Les activités minières artisanales, bien que source de problèmes (travail des enfants, sécurité défaillante, environnement dégradé), sont aussi un amortisseur social. Une transition réussie nécessiterait non seulement des zones dédiées, mais aussi des programmes de reconversion, de formation et un accompagnement financier pour les acteurs concernés. La promesse des 64 ZEA ne sera crédible que si elle s’accompagne d’un plan social robuste.
L’avenir du secteur minier artisanal en RDC se joue donc dans les prochaines semaines. La suspension actuelle est un test pour la gouvernance minière congolaise. Sa capacité à mettre en place rapidement les zones promises, à dialoguer avec les représentants des creuseurs et des négociants, et à proposer une alternative viable déterminera non seulement la paix sociale dans des provinces comme le Lualaba, mais aussi la crédibilité de l’État dans sa politique de régulation des ressources. L’enjeu est de taille : transformer un secteur informel en une filière structurée, génératrice de revenus stables et de valeur ajoutée pour le pays, sans sacrifier des milliers de vies sur l’autel de la formalisation. Le défi est immense, mais le statu quo n’était plus tenable. La balle est désormais dans le camp des autorités pour prouver que cette douloureuse transition en valait la peine.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
