Dans l’ombre des combats qui continuent de déchirer l’est de la République démocratique du Congo, une autre bataille, tout aussi féroce, se joue : celle de la faim. Au Sud-Kivu, le simple fait de trouver un repas pour sa famille est devenu un défi quotidien insurmontable pour des millions de personnes. « Nous mangeons ce que nous trouvons, souvent une fois par jour. Les enfants pleurent la nuit », confie, la voix brisée, une mère de famille déplacée près de Bukavu. Ce témoignage n’est pas un cas isolé, mais le reflet d’une crise alimentaire d’une ampleur catastrophique.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a lancé un cri d’alarme des plus graves. L’agence onusienne estime que 2,8 millions de personnes dans la seule province du Sud-Kivu sont déjà confrontées à une insécurité alimentaire aiguë. Parmi elles, près d’un million se trouvent dans la phase d’urgence, la plus critique avant la famine. Comment en est-on arrivé là ? La recette est malheureusement connue : la recrudescence des violences armées chasse les populations de leurs champs, paralyse les circuits économiques et rend l’accès humanitaire extrêmement périlleux. Les greniers sont vides, les marchés sont déserts, et l’espoir s’amenuise de jour en jour.
Face à cette urgence absolue, les ressources du PAM sont au plus bas. L’organisation a besoin de 67 millions de dollars dans l’immédiat, simplement pour maintenir son assistance vitale au cours des trois prochains mois. Pour l’ensemble de ses opérations en RDC, le besoin s’élève à 350 millions de dollars. Un financement urgence qui tarde à venir, plongeant l’agence dans une impasse opérationnelle. « Sans ressources supplémentaires immédiates, nos opérations pourraient être rapidement interrompues », prévient l’organisation. Les conséquences d’une telle interruption sont inimaginables : une multiplication par sept du nombre de personnes touchées d’ici janvier 2026, selon les projections les plus pessimistes.
La représentante intérimaire du PAM en RDC, Cynthia Jones, ne mâche pas ses mots : « Cette crise alimentaire risque de s’aggraver si des mesures urgentes ne sont pas prises. Sans aide d’urgence et sans financement supplémentaire, nous ne pouvons pas répondre à une crise qui est au bord d’une catastrophe alimentaire. » L’agence est déjà contrainte de prendre des décisions déchirantes. Au Burundi, où elle soutient près de 94 000 réfugiés congolais ayant fui les violences, les rations alimentaires ont été amputées de 75%. Une mesure brutale qui illustre l’impasse dans laquelle se trouve l’aide humanitaire, prise en étau entre des besoins exponentiels et des fonds qui s’évaporent.
Cette crise alimentaire Sud-Kivu a des ramifications régionales. L’insécurité pousse des milliers de Congolais à traverser les frontières, cherchant refuge au Burundi et au Rwanda. Le PAM y distribue des repas chauds et une assistance nutritionnelle, mais ses capacités sont à bout. Le sous-financement chronique n’est pas une nouveauté, mais il atteint aujourd’hui un seuil critique. La communauté internationale va-t-elle une nouvelle fois attendre que les images de la famine fassent la une des journaux pour réagir ?
Derrière les chiffres et les appels de fonds, c’est la survie de communautés entières qui est en jeu. Les stocks prépositionnés dans certaines zones ne seront qu’un répit de très courte durée. Cette situation met en lumière l’absolue nécessité de lier l’aide humanitaire d’urgence à des solutions politiques durables pour la paix dans l’est de la RDC. Sans stabilité, aucun programme de sécurité alimentaire ne pourra être pérenne. En attendant, des millions de vies dépendent de la solidarité internationale et de la capacité du Programme alimentaire mondial à maintenir son fragile pont aérien contre la faim. Le temps est désormais compté.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
