Dans l’indifférence la plus totale, des milliers de vies basculent. « Nous avons tout perdu en fuyant les combats, et ici, c’est comme si nous n’existions plus pour notre propre pays. » Ce témoignage glaçant, recueilli à la frontière, résume le calvaire vécu par des congolais ayant fui les violences dans le territoire d’Uvira pour se réfugier au Burundi. Alors que les combats entre les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et les rebelles du M23 ont forcé des milliers de familles à l’exode, un silence assourdissant entoure leur sort de l’autre côté de la frontière.
Le Collectif des organisations de la société civile du Sud-Kivu pour la paix tire la sonnette d’alarme avec une vérité crue. Hypocrate Marume, l’un de ses membres, déplore avec amertume l’absence criante de réaction des autorités congolaises. « Ces personnes n’ont reçu aucune assistance », affirme-t-il catégoriquement. L’image est insoutenable : dans des centres de transit de fortune, des enfants, des femmes et des hommes survivent sans accès à la nourriture, à l’eau potable ou à des soins de santé dignes de ce nom. Où est passée la solidarité nationale ? Comment peut-on expliquer un tel abandon de compatriotes en détresse ?
La crise humanitaire qui se joue dans l’ombre au Burundi est le reflet direct de l’escalade des violences dans le Sud-Kivu. Les agglomérations du territoire d’Uvira, théâtres d’affrontements récurrents, se vident de leurs habitants, créant un flux continu de réfugiés congolais. Pourtant, la réponse semble se limiter à l’érection de camps précaires, sans aucune prise en charge structurelle. La société civile sud-kivutienne, en première ligne pour observer les conséquences de ces conflits, lance un plaidoyer urgent. Elle réclame l’envoi immédiat d’une équipe gouvernementale sur le terrain pour constater l’ampleur du désastre et coordonner une aide humanitaire en RDC qui tarde désespérément.
Cette situation interroge profondément sur les mécanismes de protection des civils en période de conflit. Les réfugiés, déjà traumatisés par la fuite et la perte de leurs biens, se retrouvent doublement punis par la précarité et l’oubli. Le manque d’eau potable expose aux épidémies, l’absence de nourriture aggrave la malnutrition, et le déficit de soins médicaux transforme des pathologies simples en sentences. Le rôle de la société civile du Sud-Kivu devient alors crucial, non seulement pour alerter mais aussi pour tenter de pallier les carences de l’État, souvent absent dans ces zones en crise.
Au-delà de l’urgence vitale, ce silence des autorités pose une question fondamentale de gouvernance et de responsabilité. La fermeture de la frontière avec le Burundi, évoquée dans d’autres contextes, fragilise davantage les populations et complique la logistique de l’aide. Comment envisager la paix et la stabilité dans la région quand ceux qui en paient le prix le plus fort sont laissés pour compte ? L’aide humanitaire en RDC ne doit pas être un concept abstrait discuté dans les capitales, mais une réalité tangible pour ces familles congolaises dont la seule faute est d’avoir cherché à sauver leur vie.
L’enjeu est donc autant humanitaire que politique. La crédibilité de l’État congolais dans la protection de ses citoyens, où qu’ils se trouvent, est en jeu. La solidarité entre compatriotes, valeur fondamentale, est mise à mal. Les combats FARDC M23 à Uvira produisent des déplacés et des réfugiés dont la souffrance ne doit pas être un dommage collatéral invisible. Il est temps que Kinshasa entende l’appel de sa propre société civile, regarde en face la détresse de ses enfants réfugiés au Burundi, et agisse. Le temps presse, car chaque jour de silence est un jour de trop dans la vie de milliers de Congolais en attente d’un signe de leur nation.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
