La poliomyélite, une maladie invalidante que l’on croyait en recul, menace de ressurgir violemment dans l’est de la République Démocratique du Congo. Dans le territoire de Kalehe, au Sud-Kivu, des milliers d’enfants sont désormais exposés à ce virus dangereux, faute de pouvoir être vaccinés. La raison ? Un conflit armé qui coupe littéralement la route aux vaccins et à l’aide humanitaire. Une situation d’urgence sanitaire qui alerte les professionnels de santé locaux et illustre une fois de plus le lourd tribut payé par les civils dans les zones en proie aux violences.
Depuis maintenant un mois, le trafic routier vital reliant Bukavu à Bunyakiri est totalement interrompu. Cette artère essentielle est le théâtre de combats récurrents entre les rebelles de l’AFC/M23 et les Forces armées de la RDC (FARDC). Conséquence directe : plus un seul véhicule ne circule, paralysant l’approvisionnement de toute une région. Les zones de santé de Kalonge, Bunyakiri et Bulungu, déjà isolées, se retrouvent privées des précieuses doses de vaccin contre la poliomyélite, rendant impossible le lancement de campagnes de vaccination cruciales. Imaginez un cordon ombilical sectionné : c’est exactement ce que subissent ces populations, coupées de l’accès aux soins de base.
Les implications sont graves et immédiates. Des milliers d’enfants non vaccinés en RDC, dans ces seules zones, voient leur protection s’évaporer. La poliomyélite est extrêmement contagieuse et peut entraîner des paralysies irréversibles, principalement chez les jeunes enfants. Sans couverture vaccinale, le risque d’une flambée épidémique devient réel. Les sources médicales sur place tirent la sonnette d’alarme avec un sentiment d’impuissance. Comment protéger une génération quand les routes sont devenues des champs de bataille ? Cette interruption du trafic à Bukavu ne bloque pas seulement les médicaments ; elle isole des communautés entières et les prive de leur bouclier sanitaire le plus élémentaire.
Mais la crise est double. Au-delà de l’urgence sanitaire, l’interruption du trafic provoque une rareté criante des produits vivriers. Les denrées alimentaires ne parviennent plus, faisant flamber les prix et plongeant les familles dans une insécurité alimentaire aiguë. Cette double peine – sanitaire et alimentaire – aggrave de manière exponentielle les vulnérabilités des populations du Sud-Kivu. Les enfants mal nourris sont bien plus sensibles aux maladies ; un cercle vicieux infernal se met en place. La crise sanitaire à Kalehe est donc une tempête parfaite où se conjuguent conflit, faim et risque d’épidémie.
Face à cette situation, les appels se multiplient. Les professionnels de santé, en première ligne, lancent un plaidoyer poignant aux belligérants. Leur message est clair : « Épargnez les civils ». Ils rappellent que les conventions de la guerre imposent de protéger les populations et de permettre l’accès humanitaire. La santé n’a pas de frontière et ne devrait pas être une victime collatérale des affrontements. Le conflit à Kalonge et Bunyakiri doit cesser de faire obstacle à la vaccination contre la poliomyélite. Des mécanismes de corridor humanitaire ou des trêves sanitaires, comme cela a pu être fait ailleurs, sont urgemment nécessaires pour briser ce siègle.
Que peut-on faire concrètement ? La communauté internationale et les acteurs humanitaires doivent redoubler d’efforts pour négocier des accès sécurisés. La sensibilisation des communautés à l’importance de la vaccination doit se poursuivre, afin qu’à la première opportunité, les campagnes puissent reprendre sans délai. Enfin, le renforcement des systèmes de santé locaux et la recherche de solutions logistiques alternatives, peut-être par voies aériennes pour les produits les plus critiques, doivent être explorées. La polio est une bataille que le monde a les moyens de gagner, mais pas si les armes continuent de dicter l’accès aux soins. La protection des enfants congolais ne doit pas attendre la fin de la guerre.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
