La pression humanitaire ne cesse de croître aux frontières de la République démocratique du Congo. Des milliers de familles, fuyant les combats récurrents dans l’est du pays, trouvent refuge au Burundi voisin, selon les dernières informations du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et des autorités burundaises. Cet exode massif, principalement en provenance de la province du Sud-Kivu, transforme la région en épicentre d’une crise humanitaire majeure.
Les routes de l’exil sont périlleuses. Les réfugiés congolais au Burundi empruntent des voies dangereuses, traversant les marais de la rivière Rusizi ou bravant les eaux du lac Tanganyika pour atteindre des localités comme Rumonge. Aux points d’entrée de Gatumba et d’autres zones frontalières, les arrivées se succèdent sans relâche, mettant à rude épreuve les capacités d’accueil du pays. Face à cette situation, le HCR au Burundi et l’Office national pour la protection des réfugiés et apatrides (ONPRA) ont intensifié l’enregistrement des ménages et organisé le transfert des nouveaux arrivants vers le site de Bweru. Cependant, ce site, encore en développement, offre une capacité limitée, soulignant l’urgence d’une réponse coordonnée.
La détérioration des conditions sanitaires est une préoccupation immédiate. À Kasenga (Ndava), le HCR, l’ONPRA et le ministère burundais de la Santé ont déployé des cliniques mobiles et lancé des campagnes de vaccination pour juguler les risques d’épidémies. Ces efforts, bien que cruciaux, peinent à suivre le rythme des besoins croissants d’une population traumatisée par son périple. Comment en est-on arrivé à une telle crise humanitaire en RDC ? La réponse se niche dans l’instabilité persistante du Sud-Kivu.
Sur le terrain, la situation sécuritaire demeure extrêmement tendue. Dans la localité de Baraka, territoire de Fizi, la présence des Forces armées de la RDC (FARDC) et de groupes d’autodéfense Wazalendo est visible, mais elle ne suffit pas à rassurer la population. Les écoles, marchés et commerces sont fermés par crainte de pillages, paralysant la vie économique. De nombreux habitants tentent désespérément de gagner le Burundi ou la Tanzanie via le port de Baraka. Plus au nord, les forces gouvernementales et les Wazalendo ont établi une position défensive à Makobola, à environ 80 kilomètres de Baraka, verrou stratégique face à une éventuelle avancée des rebelles de l’Alliance Fleuve Congo/M23 (AFC/M23). Ces derniers contrôlent déjà la ville d’Uvira, accentuant les craintes d’une expansion du conflit dans l’est de la RDC.
Cette escalade a des résonances bien au-delà des frontières congolaises. Vendredi dernier, le Burundi a officiellement alerté le Conseil de sécurité des Nations Unies sur le risque d’une crise régionale lors d’un briefing consacré à la MONUSCO. Son représentant permanent, Zéphyrin Maniratanga, a porté des accusations graves, affirmant que le Rwanda avait facilité la prise d’Uvira par l’AFC/M23, en violation des accords de Washington et de la résolution 2773 du Conseil de sécurité. Il a également dénoncé des attaques transfrontalières qui auraient touché le territoire burundais. Le diplomate a lancé un appel pressant pour une application impartiale des résolutions onusiennes, un renforcement de la protection des civils et une aide humanitaire d’urgence ciblée, notamment pour les réfugiés installés à Gatumba et Cibitoke. Le Burundi plaide pour des mesures internationales « robustes » pour enrayer la spirale de la violence.
Cette crise sécuritaire et humanitaire survient dans un contexte politique particulièrement fragile. Les accords de Washington, récemment entérinés entre Kinshasa et Kigali et censés consolider un cessez-le-feu, sont aujourd’hui au cœur d’accusations mutuelles et semblent inefficaces pour apaiser les tensions. Cette impasse diplomatique nourrit directement le conflit dans l’est de la RDC et, par ricochet, l’exode des populations. La communauté internationale est-elle prête à prendre des mesures décisives pour soutenir les réfugiés congolais et œuvrer à une paix durable ?
L’avenir immédiat de la région est incertain. Sans une désescalade rapide des hostilités et un engagement renouvelé en faveur d’une solution politique inclusive, l’afflux de réfugiés congolais au Burundi risque de se poursuivre, voire de s’intensifier. Les capacités d’accueil burundaises, déjà sous tension, pourraient être submergées. La priorité absolue reste la protection des civils et l’accès à l’aide humanitaire pour les déplacés internes et les réfugiés. La stabilisation du Sud-Kivu passe par une réponse sécuritaire adaptée, mais aussi par un effort concerté pour s’attaquer aux racines de ce conflit qui déchire l’est de la RDC depuis des décennies.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
