Un éboulement sournois sur l’avenue Kaziba 2, dans le quartier Panzi, a emporté bien plus que de la terre et des pierres. Il a englouti une vie entière en devenir : celle d’une femme enceinte et de ses deux jeunes enfants, piégés dans leur sommeil par la violence des éléments. « Nous déplorons la perte d’une femme enceinte et de ses deux enfants, victimes d’un éboulement survenu près de chez Majali », confirme, la voix nouée, Murhula Machumbiko, président du Noyau communal d’Ibanda de la Société civile forces vives. Cette famille anonyme, effacée de la carte en un instant, est devenue le visage tragique de la catastrophe naturelle qui a frappé Bukavu les 12 et 13 décembre 2025.
Cette tragédie familiale n’est malheureusement qu’une facette d’un tableau plus large de désolation peint par des pluies diluviennes d’une rare intensité. Au moins cinq personnes ont perdu la vie dans cette catastrophe naturelle en RDC, et les biens endommagés se comptent par dizaines. Comment une ville peut-elle être aussi vulnérable ? Les eaux, refusant d’être contenues, se sont déchaînées à travers les artères de la cité. Sur l’axe industriel, la rivière Kauwa en furie a submergé plusieurs maisons commerciales, poussant ses flots boueux jusqu’à la place de l’Indépendance, symbole ironique en ces heures de défaite face à la nature.
Les inondations au Sud-Kivu n’ont épargné aucun secteur. Dans le quartier Panzi, le canal de la paroisse de Cahi a rompu ses digues, transformant la RN5 et les avenues Maendeleo et Kaziba en torrents impraticables. L’eau, indifférente, a envahi les habitations, emportant sur son passage véhicules et motos, rayant en quelques heures le fruit de années de labeur. Les images de maisons submergées jusqu’au toit et de rues transformées en rivières rappellent cruellement la précarité des infrastructures face à la colère du ciel.
La périphérie de Bukavu n’a pas été épargnée. À Mudusa, plus précisément dans les villages de Cimpwiji et Chiragabwa, le drame a aussi frappé. Le président de la société civile locale, François Mubalama, rapporte un scénario glaçant : « Deux personnes emportées par les eaux du canal Cerda dont un père de 29 ans qui laisse 8 orphelins et une fille de 13 ans ». La statistique devient soudainement humaine, chargée d’une douleur infinie. Un jeune père disparaît, laissant derrière lui une famille brisée et huit enfants confrontés à un avenir soudainement obscurci. Une adolescente de 13 ans, dont la vie était devant elle, a été fauchée. Ces éboulements à Bukavu en décembre 2025 et ces crues soudaines ne sont-ils pas le symptôme d’une urbanisation non maîtrisée et d’un manque criant de travaux d’assainissement ?
Au-delà du choc immédiat et de la nécessaire solidarité pour les sinistrés, cet épisode tragique pose des questions fondamentales sur la résilience des villes congolaises face aux aléas climatiques, qui semblent s’intensifier. Les décès à Bukavu suite à ces intempéries ne sont pas une fatalité purement météorologique. Ils interrogent la planification urbaine, le respect des zones non aedificandi, l’entretien des canaux de drainage et la préparation aux risques. Chaque saison des pluies devient un test de survie pour des milliers de familles installées sur des pentes instables ou dans des zones inondables par nécessité économique.
La société civile, sur le front pour évaluer les dégâts et alerter les autorités, dresse un constat accablant d’une ville mise à genoux. Les promesses d’aménagement et de prévention résonnent-elles encore après de tels drames ? Les familles de Panzi, de l’axe industriel et de Mudusa, qui pleurent leurs morts et contemplent la boue qui a envahi leurs biens, attendent plus que des condoléances. Elles attendent des actions concrètes pour que les prochaines pluies diluviennes ne se transforment pas en nouvelle liste de noms ajoutés au funeste bilan des intempéries en RDC. Le souvenir de la femme enceinte et de ses enfants, du jeune père de famille et de l’adolescente de Mudusa doit servir de cri d’alarme définitif. La vie à Bukavu ne doit plus dépendre de la clémence d’un nuage.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
