Un mouvement militaire inhabituel a été observé, ce mercredi 10 décembre, au poste frontalier de Gatumba, séparant la République démocratique du Congo du Burundi. De longues colonnes de soldats burundais, précédemment engagés aux côtés des forces armées congolaises, ont traversé la frontière pour regagner leur territoire national. Ce retrait s’est effectué via un corridor sécurisé ouvert par les combattants de l’Alliance des Forces Congolaises du M23, qui contrôlent désormais cette zone stratégique.
Les faits sont clairs et interpellent. Alors que la localité frontalière de Gatumba est tombée sous le contrôle des rebelles AFC-M23 suite à leur avancée sur Uvira, les mouvements de troupes ont pu s’y dérouler jusqu’en fin d’après-midi. Comment expliquer cette coordination entre une rébellion et des forces militaires étrangères qui lui étaient opposées quelques jours plus tôt ? Les sources sur place, jointes depuis Bujumbura, indiquent que ces militaires provenaient des lignes de front établies dans la plaine de la Ruzizi et sur les Moyens Plateaux. Là, ils combattaient aux côtés des FARDC et des groupes d’autodéfense Wazalendo contre la même rébellion qui leur facilite aujourd’hui le passage.
La situation à la frontière Gatumba reste extrêmement volatile. Outre le flux militaire, l’exode des populations civiles d’Uvira vers le Burundi voisin s’est intensifié tout au long de la journée. Des milliers de Congolais, fuyant les combats et l’incertitude, ont franchi la frontière à la recherche de sécurité. Cette double dynamique – retrait organisé de troupes et déplacement massif de civils – dessine les contours d’un rééquilibrage des forces dans le Sud-Kivu. Le contrôle de l’AFC-M23 sur ce point de passage frontalier lui confère un levier stratégique majeur, tant sur le plan militaire que symbolique.
Les implications de ce retrait des militaires burundais sont multiples. Leur présence aux côtés des FARDC était un élément clé de la défense dans la région d’Uvira. Leur départ soulève des questions cruciales sur la suite des opérations et la capacité des forces loyalistes à reprendre l’initiative. S’agit-il d’un simple repli tactique ou le prélude à un désengagement plus large de Bujumbura du conflit en RDC ? La réponse à cette question rhétorique pourrait redéfinir les alliances dans l’Est congolais.
Par ailleurs, la facilité avec laquelle l’AFC-M23 a orchestré ce mouvement interroge sur la nature des relations entre les belligérants. Ouvrir un corridor sécurisé pour le passage d’une force adverse, avec ses équipements, n’est pas un acte anodin. Cela pourrait indiquer des négociations locales ou une certaine forme de pragmatisme dans la gestion des fronts. Cependant, cette apparente coordination contraste fortement avec la violence des récents affrontements dans la plaine de la Ruzizi, théâtre de combats intenses entre les mêmes acteurs.
La crise à Uvira et aux alentours de la frontière Gatumba continue de générer une instabilité profonde. Le bilan humain et sécuritaire de ces événements reste à établir précisément. Les autorités congolaises n’ont pas encore officiellement commenté ce retrait des troupes burundaises. La priorité immédiate demeure la protection des civils et la sécurisation des déplacements. La communauté humanitaire, déjà sous tension, devra faire face à l’afflux de nouveaux déplacés de part et d’autre de la frontière.
En définitive, la journée du 10 décembre à Gatumba aura marqué un tournant. Elle a vu se superposer une crise humanitaire, avec l’exode des populations, et une recomposition militaire rapide. Le contrôle rebelle sur ce point névralgique et le retrait des soldats burundais modifient la carte des influences dans le Sud-Kivu. La suite dépendra de la réponse des FARDC, de la position définitive du Burundi et de la stratégie que choisira d’adopter l’AFC-M23 après cette consolidation de sa position frontalière. L’évolution de la situation autour d’Uvira et de Gatumba sera donc déterminante pour la stabilité de toute la région des Grands Lacs.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
