Dans un pays où la forêt tropicale, deuxième poumon de la planète, est rongée chaque jour par une exploitation souvent anarchique, et où les sols regorgent de minerais convoités au prix de lourds déséquilibres écologiques, la voix de la raison juridique est plus que jamais vitale. Une lumière dans cette brume environnementale vient de s’allumer avec la parution d’un ouvrage majeur, un hommage scientifique à l’une des figures les plus éclairantes du droit congolais : le professeur Garry Sakata Tawab. « Droit de l’environnement et des ressources naturelles : le cas de la République démocratique du Congo », ce recueil de mélanges de 486 pages, est bien plus qu’un livre. C’est un cri d’alarme académique et un manuel de survie pour l’avenir écologique du pays.
Initié par le Cadastre Minier (CAMI) et publié aux éditions Globethics à Genève, ce pavé rassemble les contributions de 19 experts de haut niveau. Il dresse un panorama exhaustif et sans concession des défis juridiques entourant la gestion de notre patrimoine naturel. L’ouvrage, présenté en grande pompe ce vendredi 5 décembre, se structure en trois volets cruciaux : le droit de l’environnement et ses domaines connexes, le droit des affaires et du commerce international, et enfin le droit public interne et international. Une architecture qui reflète parfaitement la pensée multidimensionnelle du professeur honoré.
Mais pourquoi un tel hommage prend-il une résonance si particulière aujourd’hui ? Parce que la RDC se trouve à un carrefour historique. Ses forêts, ses fleuves et ses sous-sols sont à la fois une bénédiction et une malédiction, convoités par le monde entier tandis que les populations locales subissent trop souvent les externalités négatives d’une exploitation mal régulée. Les travaux du Pr Garry Sakata Tawab, professeur ordinaire à la faculté de droit de l’Université de Kinshasa et doyen à Bandundu, ont justement toujours cherché à bâtir des ponts entre la théorie juridique et la réalité économique. Les auteurs de l’ouvrage préconisent d’ailleurs une intégration accrue des dimensions économiques dans l’analyse, une approche que le juriste lui-même qualifie d’« indispensable ».
« Je suis très honoré que des personnalités scientifiques aient pensé à moi pour contribuer avec des articles de grande valeur ; cela me touche profondément », a confié le professeur, avant d’ajouter un constat lucide et inquiétant. « L’opinion congolaise n’est pas encore suffisamment sensibilisée aux enjeux de l’assainissement et de l’environnement en général. Cet ouvrage constitue donc un outil de vulgarisation essentiel pour aider la population à comprendre que l’humanité ne pourra pas avancer sereinement si les questions environnementales ne sont pas prises en compte. » Ce plaidoyer résume l’enjeu : la bataille pour les ressources naturelles du Congo ne se gagnera pas seulement dans les ministères ou les concessions minières, mais aussi dans les esprits.
La cérémonie a également été marquée par le témoignage poignant du député national Dédé Mopasa, venu saluer l’homme derrière le chercheur. « C’est quelqu’un qu’on a connu sans le voir ni le toucher : lorsqu’il prend la parole, on a l’impression d’être dans un auditoire », a-t-il déclaré, soulignant la rigueur intellectuelle de Sakata. L’élu d’Idiofa a surtout mis en avant l’équilibre rare que représente le professeur : « C’est un homme politique raisonné et juste. […] Il sait parfois mettre de côté son approche scientifique pour se concentrer sur son rôle politique et donner le meilleur de lui-même. » Un profil hybride précieux dans un débat où l’idéologie menace souvent d’étouffer la science.
Docteur en sciences, formé aux universités catholique de Louvain et Saint-Louis de Bruxelles, Garry Sakata Tawab incarne cette expertise qui refuse de rester confinée dans les bibliothèques. Ses travaux sur le droit public immobilier et l’environnement sont des références. Aujourd’hui, cet ouvrage collectif qui lui est dédié sert de phare. Il rappelle que le cadre juridique n’est pas une entrave au développement, mais bien son prérequis fondamental. Sans une loi claire, appliquée et respectueuse des équilibres écologiques, l’exploitation des ressources naturelles en RDC continuera de nourrir des conflits et de détériorer un capital environnemental unique au monde.
Alors que la planète s’échauffe et que la pression sur les écosystèmes congolais n’a jamais été aussi forte, la parution de ce livre est un signal fort. Elle démontre qu’une communauté intellectuelle congolaise est en ordre de bataille, armée de savoir et de rigueur. Le chemin tracé par le Pr Garry Sakata Tawab et ses pairs est exigeant : il demande de penser le long terme dans une économie du court terme, de valoriser le patrimoine commun sans l’épuiser, de légiférer avec fermeté tout en éduquant avec patience. Mais n’est-ce pas la seule voie possible pour que la richesse du sous-sol et la luxuriance de la forêt ne deviennent pas le tombeau de l’avenir des Congolais ? Cet ouvrage est une boussole pour ne pas se perdre en chemin.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: Actualite.cd
