Un silence lourd pèse sur les rives de la rivière Lubumbashi, où les eaux portent désormais les stigmates d’une tragédie industrielle. Depuis le mercredi 3 décembre, une file inquiète de riverains se presse sur le terrain de basket du quartier Kasapa, non loin de la prison centrale. Ils sont les victimes invisibles d’une pollution minière aux conséquences encore incertaines, soumis à des prélèvements sanguins et des examens médicaux sous l’œil des professionnels de l’hôpital Sendwe. Le but ? Évaluer l’impact insidieux des produits toxiques auxquels ils ont été exposés suite à la rupture d’un bassin de rétention appartenant à la société Congo Dongfang Mining (CDM).
L’incident, survenu début novembre, a provoqué un déversement massif d’eaux acides issues de l’usine de traitement de la minière, engendrant une contamination de la rivière Lubumbashi qui a asphyxié la vie aquatique sur son passage. Aujourd’hui, c’est la santé humaine qui est sous la loupe. « Nous poursuivons la sensibilisation, d’autres personnes ne sont pas encore arrivées », explique Bupe Tshamala, cheffe du quartier Kasapa, sur le site même où sont implantées les installations de CDM. Le processus est minutieux : après les prélèvements sur place, les patients sont acheminés vers l’hôpital Sendwe pour des échographies et des analyses plus poussées.
Cette crise écologique et sanitaire met en lumière les risques récurrents liés à l’exploitation minière dans la région. Comment une infrastructure censée retenir les rejets a-t-elle pu céder, déversant son poison dans l’environnement ? La contamination de la rivière Lubumbashi n’est pas un simple accident ; c’est le symptôme d’une gestion souvent critiquée, où la sécurité des populations et des écosystèmes semble reléguée au second plan. Les consultations médicales à Kasapa ne sont que la partie émergée de l’iceberg, la première étape d’un long calvaire pour des centaines de familles dont le quotidien est désormais rythmé par l’angoisse des résultats d’analyses.
Les conséquences de cette pollution minière orchestrée par CDM pourraient s’étendre bien au-delà du quartier immédiat. La rivière, artère vitale pour de nombreuses communautés, est-elle durablement empoisonnée ? Quels seront les effets à long terme de l’exposition à ces acides et métaux lourds sur la population, notamment sur les enfants et les personnes vulnérables ? Les consultations en cours à l’hôpital Sendwe tenteront de répondre à ces questions cruciales, mais elles ne peuvent effacer le sentiment d’injustice qui grandit parmi les habitants.
Face à cette urgence, la mobilisation s’organise localement. Toutefois, au-delà des soins, c’est la question de la responsabilité qui crispe les esprits. L’entreprise CDM, pointée du doigt comme l’unique responsable de ce désastre environnemental, sera-t-elle tenue de dédommager les victimes et de financer la dépollution intégrale de la rivière Lubumbashi ? L’impact santé de la pollution à Lubumbashi constitue un test pour les autorités congolaises : jusqu’où iront-elles pour protéger leurs citoyens face à la puissance des investisseurs miniers ?
Cette catastrophe rappelle amèrement que le développement économique ne peut se construire sur le sacrifice écologique et humain. Chaque consultation à Kasapa, chaque échantillon prélevé, raconte l’histoire d’une communauté blessée par les rejets toxiques d’une industrie dont elle ne perçoit que rarement les bénéfices. La revitalisation de la rivière Lubumbashi et la garantie d’une vie saine pour les riverains doivent devenir une priorité absolue. Le déversement d’acide de CDM doit servir de cri d’alarme pour instaurer une surveillance drastique et des normes de sécurité infaillibles, avant qu’une autre rivière, ailleurs, ne soit à son tour condamnée au silence.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net
