Dans une semaine, les présidents Félix Tshisekedi de la République démocratique du Congo et Paul Kagame du Rwanda se retrouveront à Washington, le 4 décembre prochain. Cette rencontre Tshisekedi Kagame Washington, confirmée par la Maison Blanche et à laquelle participeront d’autres dirigeants régionaux, est présentée comme une étape cruciale dans le long processus de diplomatie RDC Rwanda soutenu par les États-Unis. Son objectif officiel : ratifier l’accord de juin et relancer un cadre d’intégration économique. Pourtant, à l’approche de cette échéance, les positions semblent plus figées que jamais, laissant planer un doute sérieux sur la possibilité d’une véritable percée.
Le contexte est celui d’une région, le conflit Nord-Kivu, minée par des décennies de violence et de méfiance. La rébellion du M23, active dans l’est de la RDC, constitue l’épicentre des tensions. Kinshasa accuse Kigali de soutenir militairement ce groupe, une accusation fermement démentie par le Rwanda mais étayée par un rapport d’experts de l’ONU en juillet dernier. La demande congolaise est claire et répétée : aucun dialogue au sommet ne sera possible sans un début tangible de retrait troupes rwandaises du territoire congolais. Le président Tshisekedi l’a réaffirmé avec fermeté fin novembre, évoquant le respect de la souveraineté nationale comme préalable non négociable.
Face à cette exigence, Kigali adopte une posture de déni et de contre-accusation. Paul Kagame estime que les blocages ne viennent pas de son pays et reproche aux autorités congolaises une position jugée fluctuante et incohérente, ajoutant selon lui des conditions au processus convenu. Cette divergence fondamentale illustre le fossé qui sépare les deux capitales et pose une question essentielle : la médiation États-Unis peut-elle, à elle seule, surmonter une défiance aussi ancrée ?
Sur le terrain, la situation militaire reste statique. Le M23 conserve le contrôle de zones stratégiques autour de Goma et Bukavu, verrouillant ainsi la dynamique sécuritaire. Cette réalité contraste vivement avec les discours diplomatiques et rappelle que toute avancée politique doit s’accompagner d’un changement concret dans les provinces du Kivu. Parallèlement, une autre table de négociations se tient à Doha, entre le gouvernement congolais et la rébellion elle-même. Cette coexistence de processus – l’un interétatique à Washington, l’autre politico-militaire au Qatar – complexifie le paysage et interroge sur leur coordination et leur finalité commune.
Les enjeux sous-jacents dépassent largement la seule résolution du conflit. Washington, en pilote de cette médiation États-Unis, voit dans la stabilisation de la région un impératif stratégique. La RDC est un géant minier, fournisseur essentiel de cobalt, de cuivre et de tantale pour les industries technologiques et vertes occidentales. La perspective de faciliter des investissements de plusieurs milliards de dollars motive cette implication diplomatique intense. La rencontre du 4 décembre est donc aussi un test pour l’influence américaine dans une Afrique des Grands Lacs en pleine recomposition géopolitique.
Que peut-on alors attendre de cette rencontre au sommet ? Les observateurs régionaux restent prudents, voire sceptiques. Si la tenue même de l’entretien direct entre Tshisekedi et Kagame constituerait en soi un signe positif après des mois de tensions verbales, les attentes de résultats substantiels sont modestes. Le risque est de voir une simple réaffirmation des positions antagonistes, sans avancée sur le cœur du problème : le désengagement rwandais et le désarmement des groupes armés. La fenêtre diplomatique ouverte par Washington est étroite, et la pression du calendrier est forte.
À une semaine de l’échéance, le scénario le plus probable semble être celui d’une mise en lumière des contradictions persistantes. La rencontre pourrait néanmoins ouvrir une séquence décisive si elle permettait de débloquer un premier geste concret, ne serait-ce que symbolique, sur le front du retrait des forces. Dans le cas contraire, elle risquerait de révéler les limites de la diplomatie RDC Rwanda pilotée de l’extérieur, et de renvoyer la résolution du conflit Nord-Kivu aux acteurs locaux et régionaux, avec toutes les incertitudes que cela comporte. L’est de la RDC, et avec lui la stabilité de toute la région, attend un signal clair que la voie du dialogue peut l’emporter sur la logique de la confrontation.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
