Une tension sécuritaire extrême persiste ce mardi dans le village de Katoyi, situé au cœur du groupement Ufamandu II, dans le territoire de Masisi au Nord-Kivu. Cette crise découle directement d’affrontements violents ayant opposé, de dimanche à lundi soir, deux factions du mouvement d’autodéfense Wazalendo. Le bilan humain reste à établir, mais les conséquences humanitaires, elles, sont déjà dramatiques : des centaines de familles, originaires de six villages différents, ont été contraintes de tout abandonner pour fuir les combats.
Les sources locales civiles, jointes par nos soins, décrivent une situation de calme précaire ce mardi, mais soulignent que l’atmosphère demeure volatile et imprévisible. La peur d’une reprise soudaine des hostilités paralyse la région. Ces déplacés de la violence à Masisi errent désormais, cherchant un abri dans la brousse environnante ou tentant de gagner des zones considérées comme plus sûres, ajoutant une nouvelle couche de détresse à une province déjà meurtrie par des décennies de conflit.
Selon le récit détaillé fourni par plusieurs témoins, l’étincelle qui a mis le feu aux poudres s’est produite dimanche matin. Un groupe de miliciens appartenant au groupe armé Mai-Mai Lamuka, sous le commandement de Noah Maachano, se dirigeait vers le chef-lieu du secteur de Katoyi. Leur progression a été interceptée au niveau du village de Katoyi par des combattants du groupe Patriotes résistants congolais (PARECO), dirigés par Mutayomba et Kigingi. La simple rencontre a rapidement dégénéré en un intense échange de tirs. Les combats, d’une rare violence, se sont poursuivis toute la journée de dimanche avant de se prolonger, par intermittence, tout au long de la journée de lundi.
La population, prise en étau entre ces factions rivales, n’a eu d’autre choix que la fuite éperdue. Les habitants des villages situés sur un axe d’environ cinq kilomètres, de Katoyi jusqu’à Mutindi, ont vidé les lieux dans la panique la plus totale. Ce conflit à Katoyi, Nord-Kivu, illustre une fois de plus la fragmentation et les tensions internes qui minent les groupes d’autodéfense locaux, pourtant présentés comme un rempart contre d’autres menaces.
Mais quelles sont les raisons profondes de ces affrontements fratricides entre Wazalendo à Masisi ? Les analystes et observateurs sur le terrain avancent plusieurs pistes, toutes pointant vers des enjeux de pouvoir et de contrôle. Une première explication évoque un désaccord stratégique majeur au sein des forces d’autodéfense. Une faction serait favorable à la poursuite, voire à l’intensification, des combats directs contre les rebelles de l’AFC-M23. Rappelons que ces derniers occupent le centre de Katoyi depuis une dizaine de jours, constituant une présence menaçante et incontestée. L’autre faction, au contraire, tenterait de s’opposer à cette option militaire, peut-être par crainte de représailles ou en raison d’une évaluation différente du rapport de force.
Une autre hypothèse, non exclusive, met en lumière des motivations économiques et une lutte pure et simple pour le contrôle territorial. La zone visée par ces tensions à Ufamandu, territoire de Masisi, revêt un caractère stratégique certain. Elle représente l’une des rares parties des groupements Ufamandu I et II à ne pas être tombée sous le contrôle de l’AFC-M23. Ce statut en fait un point de passage et une zone d’influence convoitée, où la taxation et divers trafics peuvent générer des revenus substantiels pour le groupe qui en assure la maîtrise. La bataille pour Katoyi serait donc aussi une bataille pour des ressources.
Quelle que soit la cause primaire, les conséquences sont, elles, claires et immédiates. Les groupes armés Mai-Mai Lamuka et PARECO, théoriquement alliés dans une lutte plus large, ont montré leurs divisions au prix de la sécurité des civils. Les routes autour de Katoyi sont désormais jonchées de familles déplacées, vulnérables et sans ressources. Comment une telle escalade a-t-elle pu se produire en si peu de temps ? La communauté humanitaire, déjà en alerte maximale dans la région, redoute une nouvelle détérioration de la situation.
Pour l’heure, aucun mouvement de retour massif n’est observé. La méfiance est trop grande. Les habitants, brûlés par des années de cycles violence-fuite-retour, hésitent à regagner leurs villages. La crainte d’une reprise des hostilités est palpable. Le calme actuel ressemble davantage à une trêve fragile qu’à une résolution durable du différend. Les autorités locales et provinciales sont-elles en mesure d’imposer un dialogue et de désamorcer cette crise interne aux Wazalendo ? La question reste entière.
Cette nouvelle flambée de violence dans le Nord-Kivu souligne avec amertume la complexité du paysage sécuritaire à l’Est de la République Démocratique du Congo. Elle démontre que la menace ne vient pas seulement de groupes rebelles établis comme l’AFC-M23, mais aussi des fractures au sein des forces supposées leur résister. La population, toujours prise en otage, paie le prix fort de ces rivalités. La stabilisation du territoire de Masisi, et plus largement de la province, passera nécessairement par un travail de cohésion et de commandement unifié au sein des groupes d’autodéfense locaux. En attendant, la situation à Katoyi reste sous haute surveillance, un nouvel accrochage pouvant à tout moment plonger la région dans un nouveau cycle de violences et de déplacements.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
