Quarante-huit heures se sont écoulées depuis que les familles des victimes de la milice Mobondo ont déposé les corps de leurs proches à la morgue de l’hôpital général de Kinshasa. Le silence des autorités congolaises reste assourdissant. Aucune programmation d’inhumation n’a été communiquée, aucun plan d’accompagnement des familles n’a été présenté. L’attente devient insoutenable pour ces populations déjà meurtries.
Quatre dépouilles mortelles reposent toujours dans les frigos de la morgue de l’hôpital Maman Yemo, selon le chef de la délégation des familles. La situation crée un profond sentiment d’abandon chez les communautés Teke, qui se demandent si leur statut de citoyens congolais est réellement reconnu par les institutions de la République.
« Il n’y a rien depuis qu’on était parti avec les corps au ministère de l’Intérieur », témoigne Fiston Lingwe, chef de la délégation et acteur de la société civile de Kwamouth. « Un général m’avait amené à Maman Yemo pour déposer les cadavres, 48 heures après, il n’y a rien. Même pas une réunion, ni un appel ».
La frustration monte d’un cran chaque heure qui passe. Comment expliquer cette indifférence face à des civils massacrés ? Pourquoi les victimes de la milice Mobondo ne méritent-elles pas une digne sépulture ? Ces questions hantent les esprits des familles endeuillées, abandonnées à leur sort dans la capitale congolaise.
Lundi dernier, le parcours des manifestants avait pourtant suivi le circuit protocolaire. Ils s’étaient d’abord rendus au cabinet du Vice-premier ministre, ministre de la Défense, avant d’être « chassés sans suite », selon leurs déclarations. Cette expulsion les avait contraints à sortir le véhicule contenant les cadavres, un spectacle macabre qui a marqué les esprits.
La scène, filmée et devenue virale sur les réseaux sociaux, montre un véhicule Mercedes-Benz blanc transformé en corbillard improvisé. À l’intérieur, des cadavres enveloppés de draps blancs reposent sur le tapis du sol. L’image résume à elle seule le désespoir d’une communauté qui estime que sa voix n’est pas entendue.
« Voici les personnes qui ont été tuées. Le gouvernement n’y fait pas attention », clamait un manifestant dans la vidéo. « Les Teke vivent comme s’ils n’étaient pas en RDC. Nous sommes venus abandonner ces cadavres ici pour qu’une solution soit trouvée pour le plateau de Bateke ».
Le bilan des violences ne cesse de s’alourdir dans la région de Kwamouth. L’armée avait initialement communiqué un chiffre de 13 civils tués par les Mobondo, avec cinq miliciens abattus et un soldat des FARDC tombé au combat. Mais l’administration territoriale a depuis revu ces chiffres à la hausse, faisant état de 21 civils massacrés par les miliciens.
Cette révision du bilan soulève des questions cruciales sur la transparence dans la communication des autorités. Pourquoi les premiers chiffres étaient-ils sous-évalués ? Combien d’autres victimes civiles restent-elles à découvrir dans les villages du Mai-Ndombe ?
La délégation des familles promet de poursuivre son combat. « J’irai au ministère et au gouvernorat de la ville, si ça sera possible que j’entre », affirme Fiston Lingwe. « Nous sommes Teke, nous sommes abandonnés, je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas si nous ne sommes pas Congolais. Dieu seul sait ».
L’absence de réaction des autorités de Kinshasa face à cette crise humanitaire interroge sur la capacité de l’État à protéger toutes ses populations. Le conflit Teke dans le Kwamouth nécessite-t-il une attention particulière que le gouvernement refuse de lui accorder ? La question mérite d’être posée alors que les violences persistent.
Les familles des victimes de la milice Mobondo attendent toujours une réponse concrète. Entre désespoir et détermination, elles refusent d’abandonner le combat pour la dignité de leurs morts. Le temps presse cependant, et chaque jour qui passe sans solution renforce le sentiment d’injustice dans les communautés affectées par ces violences au Mai-Ndombe.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd
