Les cris de protestation résonnaient ce mercredi matin devant le marché central de Kananga, où des femmes voyaient leurs marchandises saisies et leurs étals démantelés par les forces de l’ordre. « Ils ont tout pris, mes tomates, mes oignons… Comment vais-je nourrir mes enfants ce soir ? », sanglotait une vendeuse, le visage caché entre ses mains. Cette scène de désolation marquait le lancement de l’opération « Libérez le trottoir » initiée par le gouverneur Moïse Kambulu.
L’objectif affiché de cette opération coup de poing ? Fluidifier la circulation dans la ville de Kananga et réduire les risques d’accidents liés à l’occupation anarchique des trottoirs. Mais sur le terrain, la réalité apparaît bien plus complexe. Les vendeuses, majoritairement des femmes responsables de familles, se retrouvent brutalement privées de leur seul moyen de subsistance.
« Il n’y a pas de place au marché. Voilà pourquoi nous vendons à l’extérieur. Qu’on nous en trouve où l’on peut vendre », plaide l’une des commerçantes évacuées. Cette justification trouve-t-elle écho auprès des autorités ? L’administration du marché central avance une explication différente. Marie Claude Kanku, administratrice du marché, conteste fermement ces arguments : « Ces femmes refusent d’entrer au marché parce qu’à l’extérieur, elles ne paient pas la taxe journalière. Dès qu’elles voient le percepteur, elles fuient ».
Le mouvement citoyen LUCHA Kasaï-Central s’est positionné dans ce débat, saluant la volonté d’assainissement urbain tout en condamnant la brutalité des méthodes employées. Comment concilier ordre public et survie économique ? La question reste entière. Les activistes appellent à une approche plus humaine qui prendrait en compte les réalités socio-économiques des populations concernées.
Cette opération libérez le trottoir à Kananga soulève des interrogations fondamentales sur la gestion de l’espace public dans les villes congolaises. Faut-il privilégier l’esthétique urbaine au détriment des activités économiques informelles qui font vivre des milliers de familles ? La violence du déguerpissement policier est-elle justifiée quand des alternatives pourraient être envisagées ?
Les vendeurs de Kananga se retrouvent pris en étau entre la nécessité de respecter la loi et l’impérieux besoin de survivre. Le marché central, saturé, ne peut absorber toute cette main-d’œuvre informelle. Les trottoirs représentent-ils alors une solution de fortune devenue indispensable ?
L’opération menée par la police de Kananga révèle les tensions croissantes entre modernisation urbaine et économie de survie. Le défi pour les autorités provinciales du Kasaï-Central consiste à trouver un équilibre entre l’assainissement de la ville et la préservation des moyens d’existence des plus vulnérables. La recherche de cet équilibre nécessitera sans doute davantage de dialogue que de coercition.
Alors que le soleil se couchait sur Kananga ce mercredi, les trottoirs devant le marché central apparaissaient étrangement vides. Mais pour combien de temps ? La question demeure, tout comme l’angoisse des centaines de femmes qui se demandent comment elles vont pouvoir subvenir aux besoins de leurs familles demain. L’opération libérez le trottoir aura-t-elle des effets durables ou simplement déplacé le problème ? Seul l’avenir nous le dira.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
