Le boulevard Lumumba ressemble chaque matin à un champ de bataille urbain où des milliers de Kinois livrent un combat quotidien contre le temps et l’espace. Dès les premières lueurs de l’aube, une marée humaine et automobile submerge les artères de la capitale, transformant le simple trajet vers le travail en véritable parcours du combattant. Comment une ville peut-elle ainsi martyriser ses propres enfants ?
Les embouteillages à Kinshasa ne constituent plus seulement une nuisance passagère, mais représentent désormais une menace sérieuse pour la santé mentale des habitants. Le stress chronique généré par ces heures perdues dans les transports grignote insidieusement le moral des Kinois. « Je quitte ma maison à N’djili à 6h30 pour rejoindre mon bureau à Gombe, et certains soirs, je n’arrive chez moi qu’après 20h », témoigne Jean-Paul, comptable dans une entreprise privée. « Cette vie nous épuise physiquement et mentalement. »
La mégalopole de près de 20 millions d’habitants semble avoir atteint un point de rupture. Pourtant, cette situation n’est pas une fatalité. D’autres villes africaines comme Dakar, Abidjan ou Rabat ont su transformer leurs contraintes en leviers de modernisation. Kinshasa possède pourtant un atout majeur encore sous-exploité : le fleuve Congo, qui pourrait devenir une véritable autoroute fluviale et soulager la pression sur les routes.
Les problèmes de circulation ne sont que la face émergée de l’iceberg. À chaque saison des pluies, une autre tragédie se joue dans les quartiers populaires. Les rues se transforment en torrents boueux, emportant tout sur leur passage. « La dernière grande pluie a inondé ma maison jusqu’à mi-cuisse », raconte Marie, habitante de Matete. « Nous dormons sur des chaises lorsque la pluie s’annonce forte. » Ces inondations répétées révèlent l’ampleur des défaillances en matière d’urbanisation et de gestion des déchets.
Face à cette situation alarmante, les autorités semblent enfin se réveiller. Le Fonds National d’Assainissement de Kinshasa (FONAK), créé pour lutter contre la dégradation environnementale, fait désormais l’objet d’un audit approfondi commandité par le Cabinet du Président de la République. Les conclusions préliminaires pointent du doigt des financements opaques, des retards inexplicables dans les chantiers et un impact quasi inexistant sur l’insalubrité qui gangrène la capitale.
La gestion du gouverneur Daniel Bumba est également sous microscope avec deux audits parallèles examinant la gestion financière de la ville-province depuis 2024. Ces investigations interviennent dans un contexte particulier, quelques semaines seulement après l’exaspération manifestée par le Président de la République face à l’état de saleté alarmant de Kinshasa.
La capitale congolaise se trouve ainsi à la croisée des chemins. Les embouteillages monstres, les inondations récurrentes et les questions de gouvernance urbaine ne sont-ils pas les symptômes d’un même mal ? Celui d’une urbanisation menée trop longtemps sans vision claire et sans considération pour le bien-être des habitants. Les audits en cours représenteront-ils le point de départ d’une véritable métamorphose de Kinshasa ? La réponse se construira jour après jour, dans les rues embouteillées et les quartiers inondés, mais surtout dans la volonté politique de faire de Kinshasa une ville où il fait bon vivre.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
