Le cœur de Matonge, quartier emblématique de la diaspora congolaise à Bruxelles, bat au ralenti ce lundi matin. Devant les rideaux baissés et les scellés apposés sur plusieurs enseignes, des commerçants congolais partagent leur désarroi. « Je viens de perdre mon gagne-pain du jour au lendemain », confie Jean-Luc, propriétaire d’une boutique de vêtements désormais inaccessible. Comme lui, des dizaines de commerçants du quartier africain d’Ixelles subissent les conséquences d’une vaste opération policière qui a secoué la communauté congolaise de Belgique.
Ce samedi dernier, deux cents agents de divers services de police et d’inspection ont investi les rues animées de Matonge. Pendant plusieurs heures, ils ont contrôlé 48 commerces, dont plusieurs appartiennent à des ressortissants de la République démocratique du Congo. Le résultat est sans appel : plusieurs établissements ont été mis sous scellés, plongeant leurs propriétaires dans l’incertitude.
Selon le parquet de l’Auditorat du travail de Bruxelles, cette opération d’envergure a révélé de nombreuses infractions au droit social en Belgique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 14 procès-verbaux pour infractions Dimona (travail non déclaré), 6 pour des irrégularités liées au travail à temps partiel, et 5 pour emploi de personnes sans titre de séjour. Au total, 67 travailleurs ont été identifiés lors de ces vérifications.
Mais derrière ces statistiques administratives se cache une réalité humaine bien plus complexe. Comment expliquer que des travailleurs acceptent ces conditions précaires ? La réponse se niche souvent dans la précarité administrative et économique qui touche particulièrement les communautés immigrées. « Beaucoup de nos compatriotes arrivés récemment n’ont pas d’autres choix que d’accepter ces emplois non déclarés », explique Marie, membre d’une association d’aide aux migrants congolais.
L’opération policière belge à Matonge soulève des questions cruciales sur l’équilibre entre contrôle administratif et soutien à l’intégration économique. Faut-il seulement réprimer ou plutôt accompagner ces commerces congolais vers la régularisation ? La diaspora congolaise en Belgique, vibrante et entrepreneuse, se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins.
Les commerces de Matonge ne sont pas que des lieux de transaction économique. Ils représentent des espaces culturels où se tissent les liens communautaires, où se transmettent les traditions, où s’exprime l’identité congolaise en terre étrangère. La fermeture de plusieurs d’entre eux risque d’affaiblir ce tissu social précieux.
Cette situation interroge également sur les conditions de travail dans certains commerces de la diaspora. Le travail non déclaré à Bruxelles n’est pas un phénomène nouveau, mais son ampleur dans le quartier de Matonge révèle les difficultés d’intégration économique que rencontrent certains entrepreneurs congolais. Entre respect de la législation belge et nécessité de survivre économiquement, beaucoup naviguent dans des eaux troubles.
La question qui se pose maintenant est celle de l’après-opération. Comment reconstruire la confiance entre les autorités belges et les commerçants congolais ? Quels dispositifs d’accompagnement peuvent être mis en place pour aider ces entrepreneurs à régulariser leur situation ? La réponse à ces interrogations déterminera l’avenir économique de nombreux membres de la diaspora congolaise en Belgique.
Alors que les scellés restent apposés sur les vitrines de Matonge, la communauté congolaise de Bruxelles attend des réponses et des solutions durables. Cette opération policière pourrait-elle marquer un tournant dans les relations entre les autorités belges et les commerçants de la diaspora ? Seul l’avenir nous le dira, mais une chose est certaine : le dialogue et l’accompagnement devront remplacer la seule sanction si l’on veut préserver la vitalité économique et culturelle de ce quartier emblématique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
