Le quartier animé de Matonge à Ixelles, connu comme le cœur battant de la diaspora congolaise en Belgique, vit depuis samedi dernier au rythme des scellés apposés sur plusieurs commerces. Une opération d’envergure menée par deux cents agents de divers services de police belge a plongé cette communauté commerçante dans l’incertitude.
« Je suis arrivé lundi matin pour ouvrir ma boutique et j’ai découvert les scellés. Aucun avertissement, aucune explication. Toute ma vie est derrière cette porte », témoigne Jean-Luc, commerçant congolais installé depuis quinze ans dans le quartier. Comme lui, plusieurs entrepreneurs de la diaspora RDC Belgique se retrouvent dans l’impossibilité d’exercer leurs activités, leurs établissements étant fermés administrativement.
L’opération police belge, d’une ampleur rarement vue dans le quartier, a ciblé 48 commerces africains. Les contrôles ont révélé des pratiques préoccupantes en matière d’emploi. « Comment expliquer que dans un quartier aussi vital pour l’économie locale, tant de commerces congolais Bruxelles fonctionnent en marge de la légalité ? », s’interroge un habitant du quartier.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 14 procès-verbaux pour travail non déclaré Matonge, 6 pour irrégularités liées au travail à temps partiel et 5 pour emploi de personnes sans titre de séjour. Au total, 67 travailleurs ont été identifiés lors de ces vérifications, révélant un système où le travail non déclaré semble s’être institutionnalisé.
« Cette opération pose une question fondamentale : comment concilier la nécessaire régularisation des commerces africains avec la préservation du tissu économique et social de Matonge ? », analyse Marie Bemba, sociologue spécialiste des migrations. La situation met en lumière les difficultés d’intégration professionnelle que rencontrent certains membres de la diaspora congolaise en Europe.
Derrière les statistiques et les procédures administratives, ce sont des familles entières qui se retrouvent menacées. « Mon commerce fait vivre dix familles au pays. Si je ferme, ce sont des dizaines de personnes qui vont souffrir », confie un autre commerçant sous couvert d’anonymat. Ces contrôles commerces africains touchent en réalité une chaîne de solidarité transnationale qui dépasse largement les frontières belges.
La tension est palpable dans les rues de Matonge, où les commerces congolais Bruxelles représentent bien plus que de simples établissements commerciaux. Ils sont des lieux de rencontre, d’échange et de préservation culturelle. L’opération police belge, bien que légitime d’un point de vue légal, risque d’affecter durablement l’écosystème du quartier.
Les autorités belges défendent leur action : il s’agit de lutter contre la concurrence déloyale et les pratiques illégales. Mais la méthode employée interroge. Fallait-il procéder à des fermetures aussi brutales ? Ne pouvait-on imaginer un accompagnement vers la régularisation plutôt qu’une sanction immédiate ?
Cette situation dépasse le simple cadre juridique pour toucher à des enjeux sociaux cruciaux. Comment garantir le respect du droit du travail tout en préservant l’équilibre précaire de ces commerces qui constituent souvent la seule source de revenus pour des familles entières ? La réponse à cette question déterminera l’avenir de nombreux commerces congolais Bruxelles et, par extension, celui de toute une communauté.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
