L’Émir du Qatar, Sheikh Tamim bin Hamad Al Thani, a foulé le sol congolais ce vendredi 21 novembre, marquant une étape historique dans les relations entre Doha et Kinshasa. Cette visite officielle, la première d’un souverain qatari en République démocratique du Congo, s’inscrit dans une dynamique diplomatique et économique aux implications multiples pour la région.
Accueilli à l’aéroport international de Ndjili par le Président Félix Antoine Tshisekedi en personne, le chef d’État qatari entame une série de discussions cruciales. La porte-parole de la présidence congolaise a qualifié cette visite d’« historique », soulignant qu’elle « s’inscrit dans le cadre du renforcement des relations bilatérales et des liens économiques entre la RDC et le Qatar, deux pays amis ».
Au-delà du protocole, cette rencontre revêt une dimension stratégique incontestable. Le Qatar joue en effet un rôle de médiateur clé dans le processus de paix de Doha entre la RDC et le mouvement du M23. Les entretiens entre les deux dirigeants devraient naturellement aborder la sécurisation de l’Est du pays, une région minée par des conflits armés persistants qui entravent son développement.
Cette visite au Congo intervient après un séjour de deux jours au Rwanda, où l’Émir s’est entretenu avec le Président Paul Kagame. Cette séquence diplomatique soigneusement orchestrée témoigne de l’engagement croissant du Qatar dans les affaires africaines et de sa volonté de jouer un rôle stabilisateur dans la région des Grands Lacs.
Mais les enjeux dépassent largement le cadre diplomatique. Le ministre congolais de l’Économie, Daniel Mukoko Samba, avait préparé le terrain en invitant explicitement le Qatar à investir dans le secteur minier congolais. Lors d’une conférence de presse tenue mercredi, le ministre a dévoilé des arguments économiques percutants : le secteur minier congolais capte en moyenne 2 milliards USD d’investissements directs étrangers par an depuis deux décennies.
Ces investissements ont permis à la RDC d’atteindre une production record de plus de 3 millions de tonnes de cuivre, propulsant le pays au rang de deuxième producteur mondial. « Ceci démontre clairement qu’il est possible pour des investisseurs internationaux de s’installer en RDC, d’y faire des affaires et d’y prospérer », a affirmé le ministre Mukoko Samba.
Le ministre a ensuite développé une vision régionale ambitieuse pour les investissements qataris. « Pour un pays doté d’une forte capacité d’investissement comme le Qatar, il serait judicieux de privilégier des projets favorisant l’intégration économique régionale », a-t-il souligné. Cette approche s’appuie sur un constat géoéconomique : la RDC, entourée de sept corridors de transport, pourrait structurer un vaste marché intégré au cœur de l’Afrique centrale.
Mais comment libérer ce potentiel ? Le ministre identifie des secteurs prioritaires : les infrastructures de transport, les plateformes logistiques et le secteur de l’énergie. Ces domaines nécessitent des investissements massifs que le Qatar pourrait apporter, transformant ainsi la position géographique de la RDC en atout économique décisif.
Cette visite s’inscrit dans un contexte déjà favorable aux relations économiques entre les deux pays. Début septembre 2025, des lettres d’intention avaient été signées avec la société qatarie Al Mansour Holding pour un portefeuille de projets évalué à 21 milliards USD. « Nous pensons que la visite de l’Émir donnera l’impulsion nécessaire pour permettre la réalisation de ce projet dans les meilleurs délais », a confié Daniel Mukoko Samba.
La question qui se pose désormais est de savoir si cette visite marquera un tournant décisif dans le partenariat entre les deux nations. Les relations Qatar-RDC pourraient-elles devenir un modèle de coopération Sud-Sud, alliant diplomatie de paix et développement économique ? Les discussions entre Sheikh Tamim et le Président Tshisekedi apporteront certainement des éléments de réponse.
Les investissements Qatar en Afrique centrale s’annoncent comme un levier potentiel de transformation économique pour toute la région. La RDC, avec ses immenses ressources naturelles et sa position stratégique, représente un partenaire de choix pour les ambitions africaines de Doha. Reste à voir si la diplomatie qatarie saura concilier ses objectifs de médiation politique avec ses intérêts économiques dans la région.
Cette visite de l’Émir du Qatar en RDC pourrait bien marquer le début d’une nouvelle ère dans les relations bilatérales, où la coopération économique s’articulerait avec la recherche de solutions politiques aux conflits régionaux. Une approche intégrée qui, si elle réussit, pourrait servir de modèle pour d’autres partenariats sur le continent africain.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net
