Les bulldozers de l’Hôtel de ville de Kinshasa ont réduit en poussière bien plus que des murs de briques. Derrière les décombres, ce sont des vies entières qui s’effondrent, des rêves anéantis et des droits fondamentaux bafoués. Comment une opération d’assainissement peut-elle se transformer en cauchemar pour des citoyens détenteurs de documents officiels ?
« Nous avons été chassés de nos maisons comme des animaux », témoigne Salomon Likenga, la voix chargée d’une colère contenue. Ce propriétaire fait partie des soixante familles dont les habitations ont été rasées lors des récentes démolitions orchestrées par l’exécutif provincial. « Nous détenons pourtant des documents officiels délivrés par le cadastre. Aujourd’hui, des familles sont dispersées, d’autres hospitalisées. Nous faisons face à des conflits avec nos locataires qui réclament leur garantie ».
La Coalition de la société civile pour la promotion et la protection des droits économiques, sociaux et culturels (DESC) monte au créneau pour dénoncer ce qu’elle qualifie de violation flagrante des procédures légales. Jean Bosco Puna, coordonnateur de la structure, s’insurge contre le traitement réservé aux victimes des démolitions à Kinshasa. « Une construction n’est qualifiée d’anarchique que lorsqu’elle se fait en l’absence de l’État, lorsque la population s’installe et bâtit sans aucune autorisation. Dans le cas présent, les propriétaires concernés détiennent des documents officiels de lotissement et des autorisations de bâtir ».
Depuis juin dernier, Kinshasa vit au rythme des opérations de démolition ciblant les constructions dites anarchiques, les kiosques sur les emprises publiques et les habitations précaires le long des rivières. Mais où se situe la frontière entre assainissement urbain et violation des droits de propriété en RDC ? La société civile DESC pointe du doigt l’absence d’avertissement préalable et le non-respect des mesures d’indemnisation et de réinstallation prévues par la loi.
« Dans un État de droit, des mesures d’indemnisation et de réinstallation doivent être prises avant toute opération d’expropriation », rappelle fermement Jean Bosco Puna. La coalition interpelle le Président de la République, en sa qualité de garant de la Nation, pour qu’il assure aux victimes « des mesures compensatoires justes et équitables ».
Les conséquences de ces expropriations brutales dépassent largement la simple perte matérielle. Salomon Likenga décrit une situation humaine dramatique : « Lors de la démolition, nous avons été volés et pillés. Aujourd’hui, des familles sont dispersées, d’autres hospitalisées ». Ces démolitions à Kinshasa créent une onde de choc sociale qui risque de fragiliser davantage des populations déjà vulnérables.
Face à cette crise, la société civile DESC recommande à tous les citoyens disposant de documents officiels de se faire identifier pour faciliter d’éventuelles actions en indemnisation. Cette démarche collective pourrait constituer un premier pas vers la reconnaissance des droits propriété au Congo.
La question fondamentale qui se pose aujourd’hui est celle de l’équilibre entre modernisation urbaine et protection des droits des citoyens. Jusqu’où peut aller l’État dans ses opérations d’assainissement sans tomber dans l’arbitraire ? Les victimes des démolitions attendent une réponse concrète du gouvernement provincial, mais au-delà des compensations financières, c’est la confiance dans les institutions qui doit être reconstruite.
Les opérations de démolitions Kinshasa révèlent les tensions persistantes entre développement urbain et respect des droits humains. Alors que la ville cherche à se moderniser, comment garantir que cette transformation ne se fasse pas au détriment des plus vulnérables ? L’expropriation RDC doit-elle systématiquement rimer avec précarisation ?
Les droits propriété Congo sont-ils véritablement protégés lorsque des familles détentrices de titres légaux se voient expulsées sans préavis ni compensation ? La société civile DESC continue de militer pour que justice soit rendue aux victimes démolitions, ces oubliés du progrès urbain qui paient le prix fort d’une modernisation à plusieurs vitesses.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
