Ce jeudi 20 novembre, les salles de classe sont restées étrangement silencieuses à Chambucha, dans le territoire de Walikale au Nord-Kivu. Une suspension des cours qui prive des centaines d’élèves de leur droit fondamental à l’éducation, dans une région déjà éprouvée par les conflits. Mais quelle est donc la cause de cette interruption brutale des activités pédagogiques ?
La réponse se trouve dans les tracasseries insupportables imposées par les miliciens du groupe armé « Maï Maï Kifuafua » de Shukuru Bulenda. Ces hommes en armes exigent des enseignants le paiement d’une taxe de 3 000 francs congolais, baptisée « lala salama », qui se traduit littéralement par « dors en paix » ou taxe de sécurité personnelle. Comment peut-on exiger des éducateurs, déjà sous-payés, de débourser une telle somme pour simplement accéder à leur lieu de travail ?
Face à cette situation intolérable, les enseignants ont pris une décision douloureuse : rentrer chez eux, abandonnant ainsi les élèves à leur sort. « Nous n’avons tout simplement pas cet argent », confie l’un d’eux, sous couvert d’anonymat par crainte de représailles. « Comment pouvons-nous enseigner dans ces conditions ? » Cette question rhétorique résume le dilemme auquel sont confrontés les éducateurs de Chambucha.
Le paradoxe est cruel : cette suspension des cours au Nord-Kivu intervient précisément le 20 novembre, journée internationale des droits de l’enfant. Une coïncidence amère qui ne manque pas d’indigner les défenseurs des droits humains de la région. Les droits fondamentaux des enfants à l’éducation sont-ils devenus une monnaie d’échange pour les groupes armés ?
Les acteurs éducatifs locaux tirent la sonnette d’alarme. Cette crise de l’éducation à Walikale compromet gravement non seulement la reprise des cours, mais aussi l’avenir de toute une génération. « Conditionner l’accès à l’école au paiement d’une taxe illégale, c’est porter un coup fatal au système éducatif déjà fragile de notre région », dénonce un responsable associatif local.
Les conséquences potentielles sont multiples : perturbation du calendrier scolaire, abandon définitif de certains élèves, et détérioration de la qualité de l’enseignement. Dans une région où l’éducation représente souvent le seul espoir d’un avenir meilleur, cette situation est particulièrement préoccupante.
Les autorités coutumières affirment avoir entamé des pourparlers pour résoudre cette crise. Mais pendant ce temps, combien de jours d’apprentissage seront perdus ? Combien d’enfants verront leurs rêves s’éloigner un peu plus ? La communauté internationale célèbre les droits des enfants, pendant qu’à Chambucha, ces mêmes droits sont bafoués au nom d’une taxe de sécurité imposée par des miliciens.
Les enseignants, véritables héros du quotidien, se retrouvent pris en étau entre leur mission éducative et les exigences des groupes armés. Leur combat pour préparer l’avenir des enfants mérite-t-il d’être ainsi entravé ? La question de la protection des écoles et du personnel enseignant dans les zones de conflit se pose avec une acuité particulière dans cette région du Nord-Kivu.
Alors que les négociations se poursuivent, une certitude demeure : chaque jour sans éducation représente un recul pour le développement de la région et une violation des droits fondamentaux des enfants. La résolution de cette crise éducative à Walikale nécessite une réponse urgente et coordonnée de toutes les parties prenantes, des autorités locales aux organisations de protection de l’enfance.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd
