La rentrée scolaire en Ituri ressemble de plus en plus à un départ massif vers les sites d’exploitation aurifère et les plantations de cacao. Comment expliquer que plus de 500 enseignants aient choisi d’abandonner leurs salles de classe depuis le mois de septembre dernier ? Cette désertion sans précédent frappe particulièrement les territoires de Mambasa, Djugu, Irumu et la ville de Bunia, laissant des milliers d’élèves confrontés à un vide éducatif alarmant.
L’inspecteur provincial de l’Enseignement primaire, secondaire et technique (EPST) Ituri I, Yvon Abwasele, a tiré la sonnette d’alarme lors du lancement d’un concours spécial de recrutement. Face à cette hémorragie qui menace l’avenir de toute une génération, les autorités éducatives tentent désespérément de combler les postes vacants. Mais comment remplacer autant d’enseignants en si peu de temps ?
Le cas du territoire de Mambasa illustre parfaitement l’ampleur de cette crise. Une trentaine d’enseignants y ont délaissé leurs fonctions à peine un mois après la rentrée scolaire, préférant se consacrer à la culture du cacao. Cette transition brutale des cahiers de cours aux plants de cacaoyers interroge sur les conditions de vie des éducateurs en province. Qu’est-ce qui pousse des professionnels de l’éducation à tourner le dos à leur vocation ?
La réponse semble se trouver dans la dure réalité économique de la région. Face à des salaires souvent irréguliers et insuffisants, l’exploitation de l’or et la culture du cacao représentent des alternatives bien plus lucratives. Cette situation crée un cercle vicieux : moins d’enseignants signifie une éducation de moindre qualité, ce qui perpétue le sous-développement et pousse davantage de personnes vers les activités extractives.
Les conséquences sur le calendrier scolaire sont déjà visibles. De nombreux établissements fonctionnent au ralenti, quand ils ne sont pas tout simplement fermés. Les élèves restants doivent composer avec des classes surchargées et un encadrement minimal. Comment assurer un apprentissage de qualité dans de telles conditions ? La question préoccupe autant les parents que les autorités éducatives.
Cette crise des enseignants en Ituri n’est pas sans rappeler les défis plus larges auxquels fait face le système éducatif congolais. Elle met en lumière l’urgente nécessité d’améliorer les conditions de travail et de vie des enseignants, particulièrement dans les zones rurales. Sans une revalorisation significative de la profession, comment espérer retenir les talents dans les salles de classe ?
Le concours spécial organisé par les autorités provinciales représente une première réponse à l’urgence. Mais recruter de nouveaux enseignants ne suffira pas si les causes profondes de cette désertion ne sont pas adressées. Il s’agit d’un défi multidimensionnel qui nécessite une approche coordonnée entre le gouvernement provincial, les partenaires techniques et les communautés locales.
L’avenir de milliers d’élèves en Ituri se joue aujourd’hui dans cette course contre la montre pour sauver l’année scolaire. La solution devra combiner mesures immédiates et stratégie à long terme, car une génération entière risque de payer le prix de cette crise de l’éducation en République Démocratique du Congo.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net
