Alors que la saison des pluies bat son plein dans le territoire de Mambasa, une situation alarmante secoue le secteur éducatif local. Comment expliquer que près d’une centaine d’élèves aient abandonné les bancs de l’école depuis le début du mois de novembre ? La réponse se trouve peut-être dans les nuits animées de Mambasa-centre, où des centaines d’enfants parcourent les rues, non pas pour jouer, mais pour travailler.
Selon un rapport de monitoring publié par l’ONG Convention pour le respect des droits de l’homme (CRDH), cette inquiétante déperdition scolaire en RDC trouve son origine dans une activité aussi surprenante que lucrative : le ramassage des sauterelles, appelées localement « manyonyo ». Ces insectes, qui apparaissent périodiquement durant la saison des pluies, sont devenus une véritable source de revenus pour de nombreuses familles.
« Nous observons avec une grande préoccupation cette situation d’abandon scolaire à Mambasa », alerte Rams Malikidogo, représentant de la CRDH dans la région. « Des enfants, parfois accompagnés de leurs parents, parfois seuls, sillonnent les rues chaque nuit au détriment de leur éducation. »
La question se pose : comment une activité apparemment anodine peut-elle menacer l’avenir scolaire d’une génération ? La réponse réside dans l’attrait économique immédiat que représentent ces insectes riches en protéines. Vendues sur les marchés locaux, les sauterelles manyonyo d’Ituri constituent non seulement une source de nourriture pour les familles, mais aussi un commerce florissant.
Cette situation soulève des interrogations fondamentales sur les priorités éducatives dans la région. Faut-il blâmer ces enfants qui préfèrent gagner rapidement de l’argent plutôt que d’aller à l’école ? Ou doit-on plutôt questionner les conditions socio-économiques qui rendent cette alternative nécessaire ?
La CRDH Mambasa met en garde contre les conséquences à long terme de ce phénomène. Au-delà de la simple déperdition scolaire, l’organisation craint une exposition accrue des jeunes à la délinquance juvénile et une dégradation du tissu social. « Nous appelons les parents à assumer pleinement leurs responsabilités », insiste le représentant de l’ONG.
Cette crise de l’abandon scolaire à Mambasa interpelle également les autorités éducatives et les partenaires au développement. Existe-t-il des solutions alternatives qui permettraient aux familles de subvenir à leurs besoins sans compromettre l’éducation de leurs enfants ? Comment concilier les réalités économiques immédiates avec l’investissement dans l’avenir que représente l’éducation ?
La situation dans ce territoire de l’Ituri illustre de manière frappante les défis complexes auxquels fait face le système éducatif congolais. Elle rappelle que la lutte contre la déperdition scolaire en RDC nécessite une approche holistique, prenant en compte non seulement les aspects pédagogiques, mais aussi les réalités socio-économiques des communautés.
Alors que la saison des sauterelles manyonyo se poursuit, l’urgence d’une réponse coordonnée s’impose. Car derrière les chiffres de l’abandon scolaire à Mambasa se cachent des destins d’enfants dont l’avenir se joue peut-être dans le choix difficile entre la salle de classe et la chasse nocturne aux insectes.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net
